Rares sont les films dont le ton subversif parvient à être à la fois plaisant et réflexif. Avec une exploration des formes de comique, notamment une dimension burlesque étonnante, Le Loup de Wall Street est agréablement captivant, mais ne se contente pas d’être un divertissement sans raisonnement.


L’effervescence que s’accorde à transmettre Martin Scorsese accroit un questionnement que tente de répondre la vie de son personnage: dans quelle mesure échappe-t-on à la réalité ?
Jordan Belfort est un homme avide de sensations. Sa richesse ne lui sert que d’intermédiaire pour répondre à cette insatiable soif, son aventure aurait autrement pu s’arrêter moins tragiquement. Il faut néanmoins prêter attention à la façon dont Belfort use de cette abondance richesse, l’enjeu est de continuellement dépasser le cadre du réel. De l’usage de différentes substances à la pornographie, tout comme l’organisation virtuelle de la finance, son quotidien se distance du concret pour aller vers une vision illusoire de la réalité. Ce point est central dans la mise en scène de cette vie exaltée. En gardant le principe de l’adaptation autobiographique, le film place Belfort en tant que narrateur et admet en ce sens un regard rétrospectif sur son vécu. Or cet usage ne s’abstient pas à cette instance supérieure récurrente chez Scorsese qu’est la voix off, ici le personnage interrompt régulièrement le récit pour s’adresser au spectateur. D’un point de vue Brechtien, ces moments interpellent pour que l’on s’interroge sur leur contenu, mais la scénographie et le montage nous prennent dans un flux sans volonté de recul apparent.


Le registre comique estompe les interrogations, même Belfort admet que peu importe les explications l’objectif est toujours le même, accroître sa fortune. Néanmoins, ces instants suspendus prennent part à un ensemble formel interrogeant le sens de ce que l’on voit, car la frénésie orgiastique est telle qu’elle ne peut s’affirmer qu'artificielle. En multipliant la source des images, de la vidéo amateur à la publicité, la perception est constamment accompagnée de supports visuels. Cette esthétique contemporaine de l’affluence et l’influence des medias questionne notamment l’image de la femme. L’utilisation d’un jeu de couleurs onirique et un montage imposant une multiplication de points de vue rentrent également dans cette dialectique de la représentation du réel.


Avec un personnage courant à sa propre perte, Scorsese conserve la tragédie de ses anciennes œuvres et son caractère moralisateur. Il réalise un film qui s'affranchit magistralement des limites du cadre, transcendant la conception du lien entre le fond et la forme afin d'offrir une réflexion ouverte. La force du film repose ainsi sur son discours et les questionnements qu'il suscite sur le statut même des images.

Loglady
8
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le 4 janv. 2014

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Log Lady

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