Filmer la décadence et la délinquance, sans une once d'empathie, voilà qui pourrait résumer le nouveau film de Scorsese. Ou comment raconter l'ascension et la chute d'un jeune trader avide d'argent dans les années 80 et 90. Le film suit l'intrigue classique des tragédies scorsesiennes. Un héros doté d'un talent certain, ambitieux au possible, découvre qu'il peut considérablement s'enrichir s'il use de moyens quelque peu illégaux. Marié à une belle femme blonde, il se vautre dans la luxure et la drogue. Des scènes ultrasales et ultraviolentes surgissent après une accalmie.
3h c'est très long a priori, mais au bout du compte, on ne s'ennuie pas. On reste bouche bée devant l'étalage de richesse et la quantité de substances illicites qu'est capable d'ingérer Di Caprio. A ce propos, l'acteur, qui n'a probablement plus grand chose à prouver, se permet de repousser les limites du ridicule. Son personnage est grotesque à souhait, perpétuellement sous l'emprise de drogues, en témoigne une scène dans laquelle il se contorsionne et tente de ramper jusqu'à sa voiture de sport. La salle entière était hilare. Impossible de ressentir quelque sentiment amical ou de compréhension pour ce Jordan Belfort. Il est dénué de morale, et pire encore, il ruine la vie de ses proches collaborateurs, qui lui sont pourtant dévoués corps et âme, ainsi que celle des milliers de pauvres citoyens américains qui croient à son bagout et lui achètent des actions sans valeur. C'est le triomphe hypocrite du capitalisme financier, qui ose clamer son efficacité, son succès, sa réussite, alors que l'enrichissement de quelques uns se fait au prix de la ruine des autres.
Dans ce contexte, le film est fascinant, rempli de répliques tordantes et irrévérencieuses. Vraisemblablement, à la question d'André Comte-Sponville "Le capitalisme est-il moral ?", un spectateur du Loup de Wall Street sera spontanément tenté de répondre par la négative.