Voici quelques raisons pour lesquelles j'ai pu apprécier le film
D'abord, c'est un film de Scorsese et j'ai, quand même, bien souvent apprécié son cinéma. De "Taxi Driver" à "Killers of the flower Moon" en passant par "Raging Bull" et "Les infiltrés". Puis c'est un film où Scorsese met en scène Di Caprio et là encore, c'est souvent un ticket gagnant. Et ici, je dois dire que Di Caprio est époustouflant. On y croit.
Là, ce n'est pas une histoire de gangsters. Non, c'est une histoire de courtiers en bourse. De vendeurs, quoi. Et le film décrypte très bien ce type de métier. Le vendeur ici touche un pourcentage à chaque transaction. Que la transaction rapporte au client ou pas, on s'en tape car il palpe toujours au passage. C'est sans risque tant qu'il y a des transactions. Et il y en a toujours en Bourse. Si en plus on joue sur la marge du vendeur dans la transaction … on peut même vendre du rêve. Plus le rêve est gros, plus on palpe.
Le boulot, ça consiste à bien habiller la mariée. Et surtout, "ne jamais raccrocher avant d'avoir obtenu un accord du client". Pas besoin de s'être emmerdé à faire de grandes études pendant de longues années, il suffit juste d'un peu de bagout, un peu de culot et l'affaire est dans le sac. Quelle revanche, mes aïeux, sur ces gens instruits qui ne savent que vous faire la leçon et qui, en plus, vous méprisent !
Finalement, j'ai dit qu'il n'y avait aucun risque pour le courtier. Si, il y en a deux. C'est que, s'il se démerde bien, il va amasser tellement de fric (pas d'argent, non, du fric), qu'un risque c'est de se faire choper en train de blouser le fisc. Ou d'être pris la main dans le sac d'avoir trop gonflé les marges au détriment du client, ce qui peut être considéré par la loi comme une arnaque. Mais quand on est malin comme un singe, le pif empoussiéré par la cocaïne …
Et puis, cerise sur le gâteau, le film montre la juste récompense de celui qui réussit bien dans le métier, son repos du guerrier. Il a droit à la grande vie : une belle maison, une (des) bagnoles et pas des Dacia d'occasion, hein, un yacht, … Sniffer de la cocaïne, voire plus si affinités, pour se sentir un putain de grand homme et baiser le monde entier. Sur la même gamme, se taper des putes, en veux-tu en voilà, toutes plus superbes les unes que les autres. A "couilles rabattues" comme disait Brassens dans "le bulletin de santé". Et c'est là, aussi, qu'il y a un autre gros risque, c'est de se taper une blenno, à force. Heureusement, il y a des assurances, il y a des médocs. Bref, un peu d'astuce et c'est la porte ouverte sur le paradis pour le vendeur méritant.
Voici quelques raisons pour lesquelles je n'ai finalement guère apprécié le film
D'abord, parce que je suis un être (humain) profondément mesquin. L'argent facile, je n'ai jamais su ce que c'était. Et d'ailleurs, je ne veux toujours pas savoir. Il y a des gens qui ont de bons salaires. Mais je considère que ça correspond, la plupart du temps, à la juste contrepartie d'un métier difficile, qui comporte de vrais risques de se planter en prenant la mauvaise décision, le mauvais choix, en faisant le mauvais geste. Tandis que L'argent facile pris en toute discrétion, à la barbe du client, c'est déjà limite. De là à s'en glorifier...
Ensuite, le scénario du film est bâti à travers les mémoires d'un trader qui s'est trouvé dans une situation ascensionnelle fulgurante (avec la belle vie, la coke, les putes) avant de se ramasser la gueule et d'être condamné à trois malheureuses années de prison. Et comme il est un vendeur efficace, il a bien vendu tous ses collaborateurs (qu'il disait bien aimer pourtant). Comment dit-on, déjà ? Les trente deniers de Judas …
Trois années de prison où, avec de l'argent (mis à gauche, bien entendu), on arrive à survivre tant bien que mal. Avant de repartir sur un nouveau business devant un auditoire amorphe qu'il va sûrement se charger de booster vers de nouvelles aventures, de nouveaux rêves que Scorsese a bien voulu nous épargner. Ça frisait trop l'indécence.
Autre point, si la distribution du film est excellente avec Di Caprio (très crédible, je l'ai déjà dit), Dujardin (en banquier suisse gourmand mais très bon), les traders adjoints (Jonah Hill, ...), le père truculent Bob Reiner, les dialogues sont à la hauteur des énergumènes et dépassent rarement le niveau de la ceinture (vers le haut). Et ça, ça finit par être vraiment lassant. Pas une phrase sans les mots fuck ou fucking sur les presque 3 heures de projection. Quant aux scènes de défonce avec alcool, drogues et putes, ça finit par tourner à la complaisance voire au vomitif. Au bout d'une heure, on a compris et on prend son mal en patience en se disant "plus dure sera la chute".
C'est comme la confrontation entre Di Caprio et Kyle Chandler (agent du FBI) sur le yacht, on se prend à rêver de conséquences graves pour Di Caprio.
Spoiler : Et puis non, la chute sera soft.
Au final, le film de Scorsese est indéniablement intéressant dans le décryptage du fonctionnement de ces traders, ces courtiers. Un bon film, oui vraiment, sur les loups qui se terrent dans certaines rues de New York comme le 11, rue du Mur.
Le film est cependant profondément indécent dans tous les sens du terme. Beaucoup trop long pour un message bien ambigu. Et moi, il ne m'a pas vraiment fait rêver. Ni cauchemarder, non plus. Rien, en fait.