La première réussite de Scorsese, c'est d'être parvenu à susciter de l'empathie pour son anti-héros Jordan Belfort, malgré son statut honni dans la société actuelle (celui de trader), malgré son comportement profondément immoral et outrancier
Par ailleurs, je ne suis généralement pas trop client des films d'une durée aussi longue - et en effet quelques passages auraient pu être écourtés - mais il faut reconnaître qu'on ne s'ennuie pratiquement pas un seul instant durant les trois heures de projection.
Scorsese choisit le ton de la comédie burlesque pour nous conter cette tragédie moderne, et le pari s'avère gagnant, plusieurs scènes déjà cultes provoquant l'hilarité du public ; ma préférée reste la première rencontre, d'une hypocrisie jubilatoire, entre Belfort et les deux agents du FBI, qui s'achève par un jet rageur de homards et de billets de banque!
Il est vrai que l'usage du rire, associée à la vie de rêve menée par les traders, pourrait nuire au véritable message du film, auprès de spectateurs naïfs qui ne saisiraient pas l'indécence et la désespérance morale qui transpirent en parallèle de tels comportements, aussi monstrueusement égocentrés.
Pour ma part, j'ai parfois eu l'impression que certaines séquences étaient trop exagérées pour être totalement crédibles : ainsi, comment est-il possible de se démonter le crâne chaque nuit avec un tel acharnement, tout en assurant son poste normalement le lendemain?
D'ailleurs cette quête effrénée de jouissance, des plaisirs sous toutes leurs formes, est l'un des grands thèmes du film, au-delà du cas particulier de Jordan Belfort. Scorsese ne se positionne pas forcément d'un point de vue moral sur cette problématique, qui semble inhérente à la nature humaine, dès lors qu'elle cède à ses pulsions.
D'autre part, si "The wolf of Wall Street" fonctionne si parfaitement, c'est grâce notamment à sa distribution impeccable (Jonah Hill, Margot Robbie, Kyle Chandler...), emmenée par le génie Di Caprio, qui se met en danger et était sans doute l'un des seuls à pouvoir incarner Belfort en intégrant ses multiples facettes - pathétique, ridiculement vulgaire, et néanmoins attachant.
Quant à Marty, respect total à ce papy de 71 ans qui signe un film imparfait mais flamboyant, à la mise en scène une nouvelle fois virtuose, et qui parvient à se renouveler en prenant davantage de risques que toute une génération de yes man à la solde des studios. Bravo l'artiste!