J'y allais à reculons, à vrai dire.
Et pourtant j'aime DiCaprio, que j'ai trouvé tant de fois immense dans ses interprétations (Shutter Island, Django Unchained), mais je ne sais pas, ce parcours qui étale le pognon et la débauche, ça ne me disait qu'à moitié.
Effectivement, bien des choses m'ont fortement déplu dans ce Loup avide et détraqué, qui condense tous les excès de son époque et de l'Occident en général. Il ne faut pas avoir peur de se prendre de plein fouet un grand seau de "culture" américaine (notez les guillemets) dans la face : culte de la réussite et du self-made man, Amérique terre promise de toutes les volontés et désirs qu'elle sera seule à même de satisfaire, discours lénifiants et dégoulinants de pathos (la scène du départ annoncé de Jordan, insupportable), transes de groupes débordant d'un invraisemblable enthousiasme : tout cela est difficile à avaler et à digérer pour qui aime la subtilité et la pudeur du cinéma indépendant.
Et puis aussi, et ça m'a fait sourire mais les fêtes à la Gatsby (coucou Baz Luhrmann), le dorage de pilule sur yachts, les avions de chasse blonds en taille 34, le brassage de millions - tout cela est finalement assez proche, je pense, du quotidien de notre cher Leo, qui ne devait pas être si dépaysé que ça dans ce film et joue donc avec un naturel assez désarmant.
J'ai trouvé quelques longueurs à ce Loup mais finalement les presque 3h se vivent assez bien et on finit par se prendre au jeu de la grandeur et de la décadence, from the top to the bottom, on s'attache à ce type qui ne goûte la vie que dans ses plus grands excès et qui ne traverse en fait qu'un unique drame : celui de ne plus savoir quoi désirer. Enfant (pourri) gâté d'un système hystérique et corrompu qui lui a permis d'avoir tout ce dont il rêvait, il finira malgré tout par se heurter à la fragilité de l'existence, aux conséquences morales avec, en point de mire, en fin de compte, la nécessité de mûrir et de devenir responsable.
Ce qui me restera, c'est quand même les instants de comédie : on rigole pas mal de toutes ces conneries, quand on prend un peu de recul. Et puis certaines scènes complètement bouffonnes sont vraiment réussies - je pense notamment à la scène où Leo rampe vers sa Lamborghini, l'impression qu'il a en conduisant, et le brutal réveil du lendemain. Le FBI et ses agents obstinés font ici office de conscience pour Jordan, conscience qui le rappelle à l'ordre et ne le lâche pas - car c'est lui qui doit apprendre à renoncer et comprendre qu'à ce jeu-là, ce n'est pas lui qui gagnera cette fois.
Satire au vitriol des fastes années des marchés financiers et leurs dérives, portrait édifiant d'un pur produit de ce système, peinture hallucinante de la mentalité (mégalo) américaine et comédie efficace, Scorsese nous livre ici un film-fleuve qui mélange les tons, parfois de façon assez indigeste, mais qui constitue tout de même un bon moment de divertissement.