Le film réalisé en 1947 par Elia Kazan et produit par D Zanuck dont c'est le bébé dit-on, est une démonstration qu'il faut d'abord bien resituer à la sortie de la seconde guerre mondiale et au choc de la découverte des camps nazis.
C'est la démonstration que dans une société "bien sous tous rapports" comme la société américaine, il est difficile de transgresser certains tabous même peu visibles ou facilement dissimulables
Ici un journaliste se fait passer pour juif pour les besoins de son enquête sur l'anti-sémitisme. Brutalement, il se voit exposé à de multiples vexations et "fait craquer le vernis" de la société. Mis au pied du mur, les gens se révèlent. Le mur invisible est bien réel. Tant que rien n'est dit explicitement, puisque être juif ne se voit qu'à travers les noms qu'il est possible de maquiller, tout va bien.
Le constat et le message sont importants et méritent d'être dits.
Maintenant si on observe dans le détail le film, on peut aussi constater qu'il n'est pas sans défaut.
Gregory Peck est beaucoup trop manichéen et un brin moralisateur. Un peu de nuance ou bien quelques imperfections n'auraient pas nui au personnage. On l'a connu meilleur dans "Du silence et des ombres " de Mulligan sur un sujet analogue.
Le film est un peu trop bavard : de grandes longueurs surtout au début à travers les atermoiements du journaliste qui cherche sa voie. N'ayant jamais vu le film auparavant, je me doutais bien de l'évolution du personnage.
Je pense aussi que le personnage aurait mérité d'être approfondi avec des contacts avec des juifs de toute sorte, c'est à dire une plus grande pénétration de la communauté traditionnelle. Ici le scénario se contente un peu d'un service minimum avec un toutefois excellent John Garfield, plein d'humanité et d'empathie.
L'histoire d'amour entre G. Peck et D. McGuire est extrêmement intéressante et aurait dû logiquement se conclure par un échec. Les impératifs de la production ou les exigences hollywoodiennes ont certainement nécessité un happy end auquel il est difficile de croire tant l'ancrage du personnage de D. McGuire dans une vielle culture chrétienne, j'oserais dire suprémaciste, est important et fondamental.
De ce point de vue-là, "Devine qui vient dîner ce soir" de Kramer est bien plus abouti. Mais 20 ans se sont écoulés entre les 2 films. Je suis bien certain que le "mur invisible" refait dans les années 70 ou maintenant serait construit différemment et, espérons-le, plus subtilement.
Revenons au "mur invisible", pour conclure que le film reste de toute façon excellent dans sa façon de montrer la réalité de ce mur et qu'il a bien mérité ses trois oscars, ...