Si le film n’est pas toujours en couleurs ni en noir & blanc, c’est que Mosfilm avait donné 5 400 m de pellicule couleur à Mikhalkov. Une restriction avec laquelle ils n’ont pas dû rigoler, d’autant qu’elle les empêchait de… tirer en longueur, mais ça tombe bien car le réalisateur avait déjà plus d’un tour(nage ?) dans son sac malgré que c’était sa première œuvre longue, & nulle intention de s’éterniser. Il va juste tranquillement transformer la contrainte en technique en jouant de contrejours pour que le même plan puisse être à la fois en couleurs & en noir & blanc. C’est ce qu’on appelle faire un pied-de-nez à ses producteurs.
Ce genre de motifs, c’est habituel chez lui – apparemment déjà à l’époque. Pas du tout, en tout cas, comme le western spaghetti dont le montage énergique sort un peu le pays de son culte rigide de la guerre : une toute nouvelle cosmogonie cinématographique jaillissait avec Mikhalkov, qui avait encore tout à donner au septième art & pas seulement en copiant les genres étrangers. Son Far East proche de la terre, généreux en espace donné aux acteurs, est presque une offrande à la réconciliation de l’art & de l’histoire, dont la seule anicroche est une direction d’acteurs trop molle qui donne lieu à pas mal de gestes tristement forcés.
Signe déjà du génie visuel de Mikhalkov, le film s’efface beaucoup au profit de son scénario, mais il est aussi porteur des valeurs plus profondes de l’artiste : sa sensibilité pour l’Homme sous diverses contraintes, notamment, dont il tient à faire briller le pathos dans une fraternité finale qui est (là aussi) réconciliatrice, lui permet de parler aux spectateurs de part & d’autre du Rideau de Fer. Même si on ne risque pas de tout comprendre.
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