Bouleversant, poignant et d'autant plus que j'aime le piano. Polanski a heurté son public, sur des sujets historiques que l'on ne souhaite par forcément voir sur certaines scènes. Cette violence transparente est néanmoins peut être la plus dénonciatrice et réaliste possible.
Ce film a tout, il fait partie des quelques spécimens marquant sur la Seconde Guerre Mondiale. Il est vrai, La Vie est Belle utilise parfaitement avec ironie l'effroi des camps de la morts pour justifier une conclusion horrifique de la Shoah. Le Photographe de Mauthausen aussi sur Netflix, illustre cette terminologie en beaucoup plus classique. Ce que j'ai aimé dans le Pianiste, c'est l'angle utilisé sur les ghettos polonais sans s'en défaire. La Liste de Schindler avait fait celui de Cracovie, là c'est Varsovie et peut-être que j'ai lâché encore plus facilement une belle note à l'arrivée. Il y a cette montée en puissance de la haine des juifs. La cruauté nazie est telle, que Polanski détruit le cahier des charges par moments. Le réalisateur laisse une musique noire et mélancolique s'exprimer de plein fouet. Le film peut presque s'arrêter à son intro, il est déjà complètement réussi.
C'est par ailleurs un cinéma très bien filmé, qui s'arrête sur des plans continuels ou bien jouant avec une caméra qui a le bon recul nécessaire. Le film a prit un peu d'âge (2002), mais il fait toujours son effet vingt ans après, parce qu'il est vériste justement. Adrien Brody est émouvant dans son jeu d'acteur, avec sa mine de déterré. J'ai été très touché par sa prestation d'acteur dans le rôle de Szpilman et notamment au moment de la déportation de toute sa famille. On oublie tellement les conditions épouvantables pour les personnes qui ont échappés à Auschwitz ou Treblinka et sont restés planqués dans les villes en attendant l'arrivée des Alliés. Les seconds rôles qui font en sorte de laisser la part belle à Adrien Brody, sont quand à eux aussi parfaits dans leur simple apport et affichaient de l'empathie secrète pour les juifs (l'officier allemand, la polonaise bourgeoise Dorota...). Autant Joker avec Joaquin Phoenix évoquait la solitude dans un milieu clos urbain, autant le Pianiste est un survivor parfait dans un chaos total.
Il manque peut être simplement la malice des nazis dans le dernier tiers du film, qui vacillent en éclat. C'est là ou Polanski est peut-être le moins habile. Bien qu'un biopic, le Journal d'Anne Frank montrait un flicage permanent des allemands qui tenaient à leur emprise des ghettos ou des villes occupées jusqu'au tréfond des bâtiments. Là effectivement, le coup du lance-flamme relance la machine de la besogne allemande, mais Szpilman en cavale ne se fera pas poursuivre dans les placards... Peut-être parce qu'il est miraculé aussi, que les allemands savent qu'ils ont perdu la guerre et commencent à plier bagage en priorité. Cependant, cet échange tardif avec l'officier allemand Wilm Hosenfeld est sensationnel. Et auparavant, la musique revient sauver les meubles dans les moments de calme complet avec Adrien Brody qui simule un morceau de piano sans toucher les notes de l'instrument.
Le biopic rappelle que la Pologne a morflé la première en 39-45. Un point de vue qui nous échappait, loin des plages du Débarquement en Normandie ou du Soldat Ryan. Si la guerre n'a effectivement pas de gloire, pas d'apogée et peut se revisiter sous toute les formes, Le Pianiste montre l'envers du décors et toute cette traque juive atroce de l'autre côté de l'Europe. Un pincement au coeur.