Tous les ingrédients d'un film de Samuel Fuller : la vitesse d’exécution pour le côté direct et immédiat, l'utilisation du noir et blanc dans ses contrastes les plus prononcés, la violence subite et radicale qui s'efface comme elle est arrivée, et une vision rationnelle du monde dans lequel évolue ses personnages, dans ce film, les bas-fonds New-yorkais.
Le titre français est totalement hors de propos et probablement choisi par un type qui n'a pas vu le film. Le titre original bien plus significatif Pickup On South Street. On y ramasse et on y rapine, c'est le monde des petites frappes, un microcosme de la débrouillardise et des gangsters de bas étage.
Rarement un film n'aura aussi bien utilisé les artifices du film-noir, les jeux d'ombres, les contrastes lumière-obscurité, ses personnages adeptes de la magouille, la femme-fatale... sauf que chez Fuller la femme-fatale tombe amoureuse du petit gangster d'un simple clignement de cil et que les ruptures de ton sont très prononcées, du noir ou du blanc, très peu de gris.
La violence est fulgurante et prononcée, les coups pleuvent, ils sont donnés pour faire mal. Fuller utilise la violence graphique comme elle arrive sur un champ de bataille, elle vient sans qu'on l'attende et frappe fort. En vétéran de la seconde guerre mondiale, il a vécu les horreurs des combats au plus près.
En plus d'un grand polar maniéré et esthétisant, Pickup On South Street pose un regard réaliste sur l'univers des gangsters de bas étage, le système de la débrouille, et les affinités malhonnêtes dans un New York des bas-fonds.
Richard Widmark en petite frappe qui vit de rapine est une nouvelle fois parfait dans ce rôle de bandit romantique qui vit dans une cabane en bordure de mer avec Manhattan comme panorama de la lucarne qui lui sert de fenêtre, la classe s'invite chez les petites gens.
L'intrigue est assez secondaire et assez simpliste quant à son déroulement. Là n'est pas l'essentiel. C'est dans un maniérisme raffiné et une mise en scène dynamique emprunte de lyrisme et sans temps mort que le cinéma de Samuel Fuller prend toute sa valeur. Subtile, percutant, esthétisant Pickup On South Street est l'un des plus grands film-noir qu'il m’ait été donné de voir. Malgré sa courte durée et son scénario étriqué, il est un grand morceau de bravoure maitrisé de bout en bout par un maître de l'absolutisme.