Deuxième long-métrage de Thomas Cailley, après Les Combattants, dans lequel on retrouve à peu près les mêmes qualités et les mêmes défauts. Pour les premiers, une technique maîtrisée (avec, en outre, des effets spéciaux bien plus soignés et bien plus convaincants que dans bien des merdes hollywoodiennes coûtant plusieurs centaines de millions de dollars... comme quoi, c'est une question de talent, pas de budget !), une caméra qui sait placer ses personnages dans des cadres naturels (des lieux sylvestres !) et utiliser ses derniers. Pour les seconds, un scénario qui a son lot de lacunes, en particulier par le biais de personnages prometteurs pas suffisamment exploités.
L'idée de départ emprunte à L'Île du docteur Moreau d'H. G. Wells, sauf que la mutation de l'être humain en un autre animal n'est pas due à des greffes chirurgicales, mais à un virus inconnu, que la science, à tort ou à raison, suppose pouvoir vaincre. Passé les premières minutes, ce n'est plus abordé par la suite. Pourquoi pas ! En fait, ce qui intéresse réellement Cailley, c'est la métamorphose d'un adolescent. Et il n'est nullement besoin de se gratter frénétiquement ses deux neurones pour comprendre qu'il s'agit d'une métaphore de la puberté, avec son lot de body-horror. Dans lequel, autour de la même thématique, des cinéastes français, comme Julia Ducournau ou les frères Boukherma, ont plongé. Pourquoi pas !
Autour de cela, il y a des très belles séquences, non dénuées d'humour en plus, entre un père et un fils (joués par les excellents Romain Duris et Paul Kircher !), inévitablement conflictuelles quelquefois, mais surtout débordantes d'affection. Les moments avec l'homme-oiseau, en plus de souligner son humanité, mettent en relief le fait que le fils accepte de plus en plus son animalité, s'ancrant progressivement dans la forêt, symboliquement hors de ce qui est appelé "civilisation". Reste que sur ce même thème, il y a des personnages malheureusement trop négligés, dont la présence n'apporte rien au récit. Je pense à la gamine ou, pire encore, à la mère. En ce qui concerne celle-ci, en modifiant le début, donc le prétexte qui pousse les protagonistes à aller en Gascogne, il n'y aurait presque rien eu à changer. Du point de vue de l'émotion, un père qui "perd" son fils était bien suffisant.
Je regrette aussi que la présence d'Adèle Exarchopoulos soit aussi réduite (pourquoi prendre une actrice de premier plan si ce n'est pour en faire que dalle... excepté ajouter un nom célèbre sur l'affiche !), tout comme celle de la jeune comédienne, incarnant la petite amie, parce que j'ai trouvé Billie Blain, dans le rôle, très convaincante et très pétillante, sans parler que son caractère a des particularités comportementales la rendant immédiatement intéressante et attachante.
Ah oui, je suis conscient qu'une forêt, c'est très grand, c'est très dense, que des recherches dans ce genre d'endroit, ça peut être très long. Mais bordel, à aucun instant, je n'ai l'impression que l'armée, chargée de traquer des humains sous une autre forme animale, ne branle quelque chose à part bouffer de la barbaque, ne se pointant que quand ça arrange le scénario (tout comme un autre antagoniste, dans les chiottes, sorti de nulle part... ben, quand ça arrange le scénario !). D'ailleurs, à propos de cela, l'ensemble, qui avait su éviter le manichéisme jusque-là, marche en plein dedans. Et la fin, en queue de poisson (désolé !), n'arrange pas cette impression désagréable. Dommage.