Pendant un moment, j'ai pensé mettre huit. Puis sept. Je descends finalement à six, presque avec tristesse. Si vous me demandiez si je vous conseille d'aller voir « Le Règne animal » au cinéma, je vous répondrais probablement « oui ». Car c'est bon de voir un cinéma français ambitieux, doté de moyens importants, de beaux visuels, de maquillages bluffants, pouvant s'appuyer sur quelques scènes très réussies pour ne pas laisser indifférent. Le sujet est intéressant, presque « d'actualité », s'appuyant sur un décor plutôt bien exploité (surtout l'aspect forestier), offrant un bestiaire riche, intelligemment exploité, presque suggéré : un travail de grande qualité, confirmant le statut un peu à part de Thomas Cailley, neuf ans (déjà!!) après le séduisant « Les Combattants ».
Et pourtant... même si j'ai été séduit par certaines trouvailles ou cette relation père-fils évitant la linéarité, j'ai fini par moins être sous le charme. Cinéma français oblige, il faut qu'il y ait des lycéens. Cela se passe dans le sud-ouest, alors il faut bien nous montrer les spécificités locales. Un peu de social, aussi, bien sûr. Des amourettes (adultes comme lycéennes) qui n'en sont pas vraiment. Pourquoi pas, mais au vu du propos initial, pas sûr que c'était le meilleur choix. La portée d'ensemble est ainsi diminuée, voire diluée. On ne s'intéresse pas autant aux personnages qu'on ne le souhaiterait. Peu de seconds rôles sont bien exploités (Tom Mercier excepté, Adèle Exarchopoulos et Billie Blain ne parvenant pas vraiment à tirer leur épingle du jeu, pas non plus aidées par l'écriture). Le duo Romain Duris - Paul Kircher s'en tire avec les honneurs, sans susciter l'émotion espérée, leurs « préceptes » (notamment ceux de Duris) n'étant finalement plus vraiment abordés après la scène d'introduction.
Une poignée d'explications supplémentaires (pas forcément sur les mutations, gardant toujours une part de leur mystère, ce qui est pour le mieux), notamment lors du (quasi-)dénouement), rappelant quasiment la violence (et l'horreur) d'une chasse à courre, où j'avoue ne pas être sûr d'avoir compris le but de l'action des forces de l'ordre. Enfin, même si se dégage plutôt un point de vue pacifique et donc pro-animal (encore heureux!), l'œuvre manque de parti pris, d'une réelle vision : est-ce volontaire ou pas ? Je ne saurais dire, mais j'avoue être dubitatif. Maintenant, malgré la frustration (réelle), voilà un titre cherchant à sortir des sentiers battus, à tirer le cinéma français vers quelque chose de plus grand, plus fort, épris d'une certaine liberté créative : pour cela et ses incontestables audaces et trouvailles visuelles, « Le Règne animal » peut valoir le détour, à défaut d'être le grand film espéré par votre serviteur.