Deux critiques : la version "courte" écrite en et la seconde, plus développée, en 2022.
Première critique (10/10) :
Il y a des films dont on garde un souvenir inoubliable et dont le revisionnage ne nous effraie pourtant pas plus que cela. Et nous ne sommes pas déçus. Poétique, trépidant, généreux et offrant un superbe plaidoyer contre toute forme de tyrannie, "Le Roi et l'oiseau" est de ces chefs-d'œuvre absolus qui n'ont pas vieilli d'un cil et dont l'émerveillement reste encore aujourd'hui intact. Et c'est bel et bien la marque des plus grands que de signer un film pouvant aussi bien toucher la plus jeune génération que le public le plus averti, tout en se montrant émouvant et créatif au possible, et ce jusqu'à une scène finale proprement bouleversante. Un mot, un seul : merci.
Seconde critique (8/10) :
Revu pour la première fois depuis fort longtemps, « Le Roi et l'Oiseau » ne m'a peut-être pas autant ébloui que dans mon souvenir, où je le considérais quasiment comme mon dessin animé préféré. Certains aspects ont un peu vieilli, comme l'animation, le scénario ne se révélant pas toujours aussi rigoureux, précis qu'on aurait pu le penser, notamment dans sa construction (le « changement » de roi aurait peut-être dû apporter plus de changements). Ressenti légèrement similaire dans les dialogues, ce qui n'empêche pas certains d'être des plus charmants, la présence de Jacques Prévert n'étant évidemment pas un hasard.
Pourtant, encore aujourd'hui l'œuvre continue de cultiver sa singularité, se révélant être une intarissable source d'inspirations pour de nombreux studios (Ghibli en tête). Le raffinement des décors n'a d'égal que l'univers unique imaginé par Paul Grimault, s'émancipant presque totalement du conte d'Hans Christian Anderson dont il s'inspire. Le film baigne constamment dans une poésie délicieuse, délicate, où les « premiers seconds rôles » ont finalement bien plus de personnalité que notre gentil couple d'amoureux. Surtout, tout en gardant un ton constamment adapté pour tout public, il ne manque pas de tenir un discours très politique, pouvant paraître simpliste, mais surtout salutaire concernant l'écrasement d'un peuple par son souverain obsédé par l'idée de construire un royaume tout à sa gloire.
Les idées fusent
(la ville haute et la ville basse, les lions danseurs, le montage parfois effréné),
souvent brillantes voire géniales, y compris visuellement, certaines prises de perspective impressionnant. Mais que serait « Le Roi et l'Oiseau » sans la musique de Joseph Kosma ? Elle est éblouissante, accompagnant magistralement le récit de la première à la dernière minute : assurément l'une des plus belles jamais composées. Et comme presque tout classique qui se respecte, le plan final est bouleversant, inoubliable. C'est aussi cela qui donne à l'ensemble un statut aussi unique : combien de films peuvent se vanter d'être aussi marquants, de graver presque chaque scène dans nos mémoires ? L'œuvre d'une vie. Et quelle œuvre.