Toute la puissance évocatrice du titre réside dans ce final dantesque où subitement la violence sourde et toute la subtilité du discours Melvillien entre en résonance avec l’image brute de sa scénographie quand il filme les hommes dans l’action, pour nous offrir une métaphore directe sur le code de l’honneur et sa portée sacrificielle :
Jeff se fait hara-kiri avec un pistolet non chargé.
Alors on retrouve toute la scénographie fétichiste et minimaliste de ce grand ordonnancier du noir à la française, nous sommes en 1967, on sort doucement du temps des yéyés et de l’esthétisme rose bonbon, et Delon est filmé comme un spectre gris du temps passé, vêtu comme un Bogart laconique qui déambulent dans les rues de la nuit parisienne.
Dialogues minimalistes, environnement austère, figures de style initié par le film-noir américain - on ressent l’obsession – on reconnait très rapidement les artifices du cinéma de Melville, le réalisme en prend souvent un coup, mais cette notion qu’Hitchcock considérait comme l’ennemi « quand je vois apparaître l'hideuse figure de la vraisemblance, je lui tords le cou », et qui est caractéristique des œuvres de ce faussaire génial, donne à ses films leur cachet unique, sa force, ses traces indélébiles.
Melville signe ce qui deviendra une sorte de mètre-étalon pour toute une flopée de cinéastes de renom, de John Woo à Michael Mann, plus souvent étrangers que français par ailleurs. Delon y est génial et remarquablement dirigé, comme il le fût quand il tournait avec Visconti.
L’inégalable réalisateur considérait Le Samouraï comme un film de fin de cycle, il sortait du Deuxième Souffle et allait enchainer sur deux chefs d’œuvres, L’armée des Ombres et Le Cercle Rouge, et Un Flic, un excellent polar crépusculaire, et entérina avec cette immense filmographie l’évidence d’une certaine forme d’incontestabilité : « quand on pense polar, on pense Melville. » ~ moi.