Ils ne sont pas nombreux les films du suédois Ingmar Bergman que j'apprécie. Le Septième Sceau en fait partie. Parce qu'il porte en lui une réflexion puissante sur des sujets susceptibles de m'intéresser et surtout que je crois comprendre à peu près.
Sacrée histoire !
De retour en Suède après une Croisade qui l'a laissé insatisfait dans sa quête métaphysique, d'autant plus qu'il avait laissé au pays une femme qu'il aimait et qui l'attend, le chevalier Antonius Block (Max von Sydow) et son écuyer trouvent un pays ravagé par la Peste. Le chevalier rencontre la Mort avec laquelle il négocie une trêve pour lui-même à travers une partie d'échecs. Et lorsqu'il croit converser avec Dieu ou un de ses représentants dans un confessionnal, il se rend compte que son interlocuteur n'est autre que la Mort qui, en plus, lui tire les vers du nez pour connaître sa stratégie dans la partie d'échecs.
La seule réponse certaine à ses questions métaphysiques est qu'on n'échappe pas à la Mort. Et Bergman l'illustre par plusieurs exemples.
Le comédien qui avait séduit la femme du forgeron n'échappe à la mort de la main du forgeron qu'en simulant un suicide. Puis il croit échapper à la Mort en se réfugiant sur un arbre mais en vain puisque l'arbre va être abattu par la Mort elle-même. Le chevalier, lui-même, après avoir gagné un peu de temps en faisant trainer la partie d'échecs tente le tout pour le tout en renversant l'échiquier mais encore une fois en vain. À chacun son heure. C'est dit.
À leur arrivée en Suède, le chevalier et son écuyer rencontrent et sympathisent avec un couple de forains et leur jeune fils. Ils redécouvrent les joies simples d'un plat de fraises et d'un bol de lait. La petite troupe ainsi constituée vont croiser des scènes de pillage ou de violence avec en point d'orgue le cortège de flagellants offrant la vision punitive de la religion. Chacun dans la petite troupe va apprécier à sa façon les ravages dont ils sont témoins. Je pense que chevalier, écuyer et forains sont les trois facettes d'une même personne à savoir le cinéaste lui-même :
Le chevalier qui ne trouve aucune réponse à ses questions y compris auprès de la jeune sorcière accusée d'avoir fait commerce avec le Diable. C'est ce qui reste de son éducation rigoriste dans son enfance avec un père pasteur qui devait avoir la calotte leste et le fouet nerveux.
L'écuyer qui ne croit plus à rien ; c'est la face noire mais réaliste de sa personnalité. Celle qui lui dit de profiter et de jouir tant qu'on est vivant parce qu'après …
Et le couple de forains avec le petit enfant qui, seul, représente l'avenir et l'espoir, la joie de vivre.
En effet, les deux premières facettes du cinéaste sont programmées pour mourir sans autre alternative ; seule la troisième facette, l'art, peut se jouer de la Mort et survivre… De là à penser, que Bergman s'est consacré à l'art pour avoir une chance de survivre, il n'y a qu'un pas que je m'empresse de sauter …
En guise de conclusion,
Le Septième Sceau peut désormais être brisé par l'agneau, comme dit dans l'Apocalypse, provoquant au ciel un silence d'une demi-heure (environ !) avant que ne se déchainent les sept anges et les sept trompettes …
… nettoyant par le vide tout ce qu'il y a sur Terre ne laissant que les 144000 survivants dont en particulier, suivant Bergman, les artistes ou les créateurs … Ce dernier alinéa, ironique, n'est que le reflet de mon interprétation subjective, bien entendu ! D'ailleurs, l'histoire de la demi-heure m'échappe complètement. Si une bonne âme passant par SC, pouvait m'amener une réponse sur le pourquoi de "la demi-heure", peut-être qu'à moi aussi, ma vie en serait changée.
Film puissant, je l'ai dit, car j'ai l'impression de toujours redécouvrir ce film à chaque visionnage (espacé par plusieurs années, faut pas abuser des plaisirs) avec de nouvelles questions ou de nouvelles réponses.