La première fois que j'ai vu ce western, c'était dans un ciné-club quand j'étais étudiant ; j'avais été littéralement ébloui et transporté par le film. Je me souviens que si j'en avais eu la possibilité, je serais allé le revoir séance tenante.
Au lieu de ça, à la fin, il y avait un débat organisé par le ciné-club avec un "spécialiste" qui drivait les débats et surtout faisait passer son point de vue. Et alors que j'étais encore sur mon petit nuage, il n'a cessé de démolir le film (et ce n'était pas un western, et c'était mal réalisé, et c'était mal joué, etc … etc …). J'étais sorti de là pas du tout convaincu (voire même écœuré) en restant sur ma propre impression.
Environ quarante plus tard, en possession du DVD, je l'ai revu plusieurs fois en VO et en VF. J'ai aussi lu des articles élogieux et catastrophiques (du genre du "spécialiste" cité plus haut).
Et bien, je dois dire que j'aime toujours énormément ce film qui me semble être justement un concentré de ce qu'on trouve habituellement dans les westerns ou de ce qu'on doit trouver dans les westerns. Une épure, oserais-je dire … (comme certains films de Melville). J'ai presqu'envie de dire qu'on n'est vraiment pas loin du tragique grec.
C'est l'histoire d'un homme face à lui-même, face à son devoir, face à sa femme et face à la population. Il a un peu moins de quatre-vingt minutes pour faire le tour de tout ça sachant qu'il va peut-être mourir.
Mais c'est aussi un suspense poignant, pas haletant, poignant. Un peu comme un temps d'orage très lourd, très pénible que le premier éclair puis la pluie délivrent brusquement.
Un suspense soigneusement entretenu par la chanson répétée mezzo voce, obsédante et aussi par la solitude de cet homme qui arpente en vain les rues de la ville.
Un suspense cassé, interrompu de façon insupportable lors du débat délirant dans l'église ou de la bagarre entre le sheriff et son ancien adjoint où le spectateur se dit : mais qu'ils arrêtent de bavasser ! Ils ne se rendent pas compte que l'heure tourne ! Et le suspense repart de plus belle.
Ensuite il y a le jeu des acteurs principaux Gary Cooper et Grace Kelly, superbes de sobriété et de mutisme : les silences et les regards. Les visages tragiques.
Parmi les seconds rôles, Katy Jurado et son beau regard, lui aussi tragique.
Le noir et blanc, que certains critiquent : justement, il convient tout-à-fait avec l'aridité du sujet, avec la rigueur et l'intransigeance des deux personnages principaux.
Do not forsake, Oh my darling