Les Sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone

Cinq ans, mine de rien, qu'on attendait le retour de Martin McDonagh après le triomphe artistique de « 3 Billboards », fort justement récompensé de quelques Oscar. Et il est peu dire que l'ami Martin n'est pas exactement là où l'attendait à travers ce film aussi personnel que déroutant, sans doute beaucoup plus proche de « Bons Baisers de Bruges », mais surtout du cinéma de son frère, John Michael, et de ses savoureux « L'Irlandais » ou « Calvary » (tous deux également avec Brendan Gleeson). Presque totalement inclassable, cette vraie-fausse bal(l)ade met un peu de temps à trouver son rythme, son style, avant de devenir particulièrement dense, troublante, et ce même si nous n'aurions pas été contre en savoir plus sur le « pourquoi du comment », pouvant gêner dans la psychologie du protagoniste.


Remarquablement filmé, faisant la part belle à ses décors naturels sans se « planquer » derrière, l'œuvre, finalement très jusqu'au-boutiste, marquante, presque dérangeante, explore avec acuité le comportement humain, expliquant (trop) peu, mais disant beaucoup à travers les situations, les dialogues, la violence caractérisant certains. Le soin apporté à l'écriture est remarquable, offrant quelques seconds rôles particulièrement réussis et excellemment joué, à l'image de Barry Keoghan et surtout Kerry Condon, dans ce qui est l'un des plus beaux personnages féminins de l'année. Amenant une douceur, une bienveillance indispensable au milieu de « l'opposition » entre Padraic et Colm (Colin Farrell et Brendan Gleeson, tous deux remarquables), dont l'évolution va se révéler aussi dramatique qu'inattendu, laissant toujours planer une part de mystère sur leur amitié passée.


J'ai évidemment déjà vu de nombreux titres racontant une grande amitié virant au drame : celle-ci est unique à tout point de vue. Autre particularité marquante : le rapport aux animaux. J'ai rarement vu œuvre s'attacher autant à cet aspect alors qu'il n'était pas le sujet principal, l'affection qu'ont les deux héros pour leurs bêtes respectives se révélant très touchante, d'autant qu'au cœur de l'intrigue à bien des égards. « Les Banshees d'Inisherin » peut déconcerter, frustrer, décevoir, à l'image de ce dénouement très (trop) ouvert, surtout au vu de la discussion entre nos deux héros, ce qui m'empêche, d'ailleurs, d'être plus enthousiaste. Mais difficile de nier la remarquable maîtrise d'un réalisateur jamais là où on l'attend, évitant toute facilité pour tracer une route dont on ne sait où elle mènera, mais que l'on est impatient de prendre avec lui.

Caine78
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le 28 déc. 2024

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