2008, 2012, 2017 et donc désormais 2022.
Au regard des dates de sorties de l’ensemble de ses longs-métrages jusqu’à ces Banshees d’Inisherin, c’est peu dire si le cinéma de Martin McDonagh sait se faire rare…
…Et quand en plus de ça on prend en considération le fait que parmi ces rares films se trouvent des petits bijoux comme 3 Billboards ou bien encore (et surtout) Bons baisers de Bruges, alors c’est clairement peu dire si en plus d’être rare, ce cinéma-là sait aussi se faire précieux.
Ce serait donc vous mentir si je vous disais être allé voir ces Banshees sans une certaine attente…
…Mais le problème c’est que, ce coup-ci, un peu comme avec son 7 psychopaths, McDonagh m’a quelque-peu laissé sur la touche.
Pourtant tout commençait si bien.
Le seul premier plan offert annonce déjà le meilleur. Il annonce un cinéma de perfectionniste.
Panorama magistral. Saisie impactante du motif bocager. Et surtout cette fracture insulaire qui est tout de suite rendue palpable.
L’image est belle. Le cadre pensé. La photographie élégante. Tout cinéphile exigeant se sent tout de suite à la maison.
Cependant, malgré la maitrise, on sent le souci de McDonagh de ne pas trop en faire, d’être dans le geste épuré, proche de la simplicité de ses personnages, comme en témoignent d’ailleurs ses premières notes d’humour au fond basiques mais sans superflu.
Bref, tout commençait bien…
…Mais après les choses ont commencé à dégénérer…
…Après est venue cette histoire de doigts.
Dit ainsi, les non-initiés auront du mal à comprendre. Mais celles et ceux qui auront vu le film verront forcément de quoi je veux parler. Car au fond, pour moi, tout le problème tourne clairement autour de cette histoire de doigts.
Avant qu’ils n’entrent dans la partition, j’avoue que je peinais à voir l’intrigue décoller. Mais une fois ont-ils été mobilisés pour l'épaissir quelque-peu qu’ils m’ont laissés… coi.
En fait, ces doigts, je ne peux m’empêcher de les percevoir comme une manière bien artificielle de nourrir l’intrigue.
On sent bien que McDonagh entend préserver le côté simple et brut de son portrait de l’Irlande ; sans vouloir trop densifier son intrigue afin que le caractère isolé et presque vide de son île continue d’imprégner son film, soit…
…Mais d’un autre côté, le recours à un élément d’intrigue aussi spectaculaire ne parvient pas pour autant à donner de l’épaisseur. Au contraire, il brise même quelque-chose.
Il donne à toute cette démarche – voire même à tout cet univers – quelque-chose de forcé.
Alors certes, je reconnais la démarche de fond osée, subtile et louable, surtout qu’elle est servie par une mise-en-scène plus que maitrisée…
…Seulement voilà – et c’est triste d’avoir à l’acter – mais le résultat m’oblige à considérer que, concrètement, tout ça n’est pas parvenu à aller bien loin me concernant.
Faire un film sur l'isolement rendu d'autant plus insupportable quand celui-ci contraint à nous faire cohabiter avec celui qui au fond nous est étranger depuis le départ – et cela au point de vouloir se lacérer – c’est certes culotté, mais c’est aussi très casse-gueule, surtout quand on ne parvient pas, comme c’est le cas ici, à remplir de manière totalement crédible et subtile les deux longues heures qu’on entendait remplir.
Idem, jouer la carte de la sobriété est tout aussi louable, mais quand ça conduit à user régulièrement des mêmes ficelles pour tenir la route, au point de basculer progressivement de la comédie noire à la comédie presque ridicule à cause de métaphore lacérante assez grotesque, ça relativise quand-même le bien-fondé de la démarche.
Alors dommage.
Dommage qu’un auteur aussi rare revienne ainsi sur la toile ; qui plus est en prenant le risque de se sortir les doigts.
Mais tout le problème avec les doigts, c’est qu’avant de penser à les sortir, encore faut-il savoir où les mettre.
Or là, j’avoue qu’au lieu de passer deux heures à parler de crottin de poney,
J’aurais encore préféré qu'on me propose un classique mais plus noble whiskey…