Autrement dit les "inadaptés" plutôt que les "désaxés" … Et ça change quand même un peu le regard qu'on peut porter sur ce film.
Voilà un film qui s'est bonifié avec l'âge (chez moi, hein !). J'avais vu ce film au cinéma il y a très longtemps et c'était peu dire que je ne l'avais pas apprécié. Puis, je l'ai revu en DVD il y a quelques années en y découvrant une profondeur qui m'avait alors touché et que j'ai encore retrouvée aujourd'hui.
Alors, oui, il y a tous ces signes du western un peu "has been" avec des héros fatigués ou usés ou "inadaptés" puisque la société a changé et qu'ils essaient de s'accrocher à de vieux rêves.
Alors, oui, bien entendu, il y a cette terrible triple coïncidence où Clark Gable meurt peu de temps après le tournage, où c'est le dernier film (achevé) de Marilyn Monroe qui n'en pouvait plus de ses addictions diverses et où c'est aussi un des derniers films de Montgomery Clift qui avait, lui aussi, ses problèmes d'addiction associés à un état régulièrement dépressif.
Mais, de tout ceci, je veux m'en foutre un peu. "The misfits", c'est surtout un film centré sur Marilyn Monroe. Le scénario établi par Arthur Miller à partir d'un de ses romans (que je ne connais pas) est taillé sur mesure pour son épouse, Marilyn Monroe, dont on découvre, peut-être, un peu de sa nature profonde, un peu de sa fragilité …
Là, son personnage de Roslyn n'est plus du tout un rôle d'ingénue, de nunuche voire d'idiote comme on a pu souvent voir attribués à Monroe.
D'abord sa première apparition qu'on voit de dos et en reflet dans une glace est une petite merveille cinématographique. Un regard pensif. Une femme belle à tomber ! Oui, on le savait bien sûr depuis longtemps.
Roslyn vient à Reno (Nevada) pour divorcer, aidée par sa logeuse (qui en est à son 77ème rôle de témoin de divorce …). Elle divorce, retrouve une liberté qui l'angoisse et ne sait qu'en faire.
"Ma mère me manque" se confie-t-elle, dans son désarroi, à son amie et on découvre qu'elle n'a d'autre perspective dans la vie que celle de l'instant qui vient. Elle s'accroche au garagiste (Guido / Eli Wallach) venu la dépanner qui est gentil et serviable, puis à Gay (Clarke Gable) et enfin à Perce (Montgomery Clift).
Ces trois garçons sont charmants et portent beau mais vivent comme l'oiseau sur la branche. Meurtris par la vie, Guido est veuf et ne s'en est pas remis, Gay ne peut plus voir ses enfants, Perce a été déshérité par sa mère. Tous trois tentent de préserver un mode de vie indépendant, fuyant tout emploi salarié qui les contraindrait, en capturant des chevaux sauvages dans le désert du Nevada ou à cachetonner en faisant des rodéos.
Ces trois garçons se sentent prêts à aimer cette Roslyn magnifique, tombée du ciel dans ce Nevada sauvage, qui vit avec son cœur à fleur de peau, qui s'effraie des risques courus par Perce lors des rodéos et qui déteste toute violence. Mais l'innocente et amicale balade dans le désert qui se concrétise par la sauvage capture de ces chevaux au lasso vont révolter Roslyn soudain confrontée à une réalité incompatible avec sa candide vision de la vie et du monde.
C'est très certainement cette lente transformation du personnage joué par Marilyn Monroe qui me plait dans ce film : elle passe du registre d'une femme sexy (scène dans le saloon avec le jeu de la raquette) à celui d'une femme sensible, pleine d'empathie auprès de ses nouveaux amis, qui se penche sur les blessures de Perce puis au registre, très convaincant, où, échevelée et révoltée, elle hurle dans le désert pour faire arrêter le jeu cruel sur les chevaux et, enfin, se faire entendre.
L'année suivante après la sortie des "Misfits", sortira le beau western "Lonely are the brave" ("seuls sont les indomptés") qui appuiera avec beaucoup plus de force le message de fin d'un monde de cow-boys qui refusent de rentrer dans le rang, qui refusent l'embrigadement dans une société qui les étouffe.
Dans "the Misfits", en définitive, c'est le beau et fragile personnage de Marilyn Monroe qui fera prendre conscience aux trois cow-boys que le monde est en train d'irrémédiablement changer.