Ami entends-tu le cri sourd du pays qu’on enchaine

Film tourné dans la clandestinité par un cinéaste emprisonné qui a réussi à fuir le pays pour présenter son film à Cannes où il a été primé. Le film est fait de bric et de broc en mêlant des scènes tournées et d’autres volées dans la rue au moment des émeutes qui ont fait suite à la mort de Masha Amini jeune iranienne, assassinée par la police qui a généré un soulèvement de la jeunesse puis d’une partie du pays contre le régime autoritaire des religieux. Le drame se noue dans une famille bourgeoise qui atteint enfin un niveau de confort enviable grâce au père qui est enquêteur au tribunal. C’est un homme fier d’atteindre d’une promotion qui le place juste une marche au-dessous du poste de juge, l’accomplissement d’une carrière au service de l’état. On comprend que cet homme n’est pas un convaincu, il profite du système et sen accommode.

C’est le moment où les émeutes éclatent dans les universités après l’assassinat de Masha Amini par la police. Elles sont vite réprimées de la manière la plus sanglante par la police. Il y a des morts et des blessés. Les deux filles de la famille sont des adolescentes sages, sages mais le smartphone en main qui donne à voir la réalité de ce qui se passe et qui n’apparait jamais à l’écran de la tv familiale qui diffuse les bobards du régime à longueur de journal. Je ne spoile rien pour vous laisser découvrir le film qui doit être vu, absolument. Le drame se noue dans le huis clos avant d’exploser au dehors. La tension monte jusqu’à un dénouement dramatique. Quelques scènes d’interrogatoire sont des vrais moments de cinéma quand un homme ordinaire devient un monstre.

Il faut le dire, ce film est un cri nécessaire. Un peu démonstratif, mais il frappe juste et donne à réfléchir sur la notion de résistance à une oppression. Rasoulof a su mêler le cinéma joué et tourné avec le reportage de rue et c’est la force du film qui ne peut laisser indifférent et nous interpelle en ces termes « et toi tu ferais quoi si tu étais face à ça ? ». Les actrices en particulier Soheila Golestani, qui interprète la mère est absolument bouleversante dans son évolution face à son mari qui n’est au fond qu’un pauvre bougre aveugle qui devient un monstre qui est lui-même gouverné par sa peur du système qu’il sert. Décidément c’est un film nécessaire qui fait penser au chant des partisans : « Ami entends-tu le cri sourd du pays qu’on enchaine »



SaintPol
8
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le 29 sept. 2024

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SaintPol

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