Je n'ai rien fait. Je me plie aux lois de Dieu et des hommes. J'ai été éduquée dans la foi et la soumission. J'obéis à mon mari et j’éduque mes enfants. Mes journées tournent autour de ma famille et de ma maison, je réunis ses membres autour d’une table garnie, je prends soin de leurs besoins et je soutiens mon mari à toute épreuve. Ne pas faire de vague pour garder la paix et la sécurité.
Je n'ai rien fait. La révolte gronde, je vois les contestataires, j'entends les slogans, je vois les jeunes se faire brutaliser. Je ne veux pas y croire, c'est contre ma nature inculquée. Du sang et des larmes, en un instant de déchirement, billes de plomb et visage dévasté. La menace approche, les vents s’agitent. Je dois protéger ma famille, je dois reformer le noyau avant qu'il ne pourrisse complètement.
Je n'ai rien fait. J’ai peur, j’accuse, je perds mes marques. Je laisse faire, je subis, je suis humiliée. Toujours sous la coupe de l'homme qui perd le contrôle dès qu'il sent sa loi menacée. Les certitudes sont ébranlées et les masques tombent. Le doute est installé, l’ennemi est intime, rien ne sera comme avant. Céder ou agir, avouer ou mentir, croire encore en l'avenir.
Je ne m'assieds pas, je crie et je me lève contre l'oppression, je veux protéger mes filles, les voir vivre une vie sans peur. Une peur qui infiltre les liens les plus proches. Je me lève et je cours, cachée dans les dédales d'un monde oublié. Dans la poussière, émancipation par le sacrifice, la main levée.
Les graines du figuiers sauvage, éternel cycle de survie.
Le figuier sauvage laisse tomber ses graines sur les branches des arbres plus bas que lui. Avec le temps, ces graines éclosent et leurs racines s'étendent vers le sol. Le figuier naissant va alors entourer et étrangler de ses branches l'arbre hôte pour finir par s'implanter à sa place.
Les Graines du Figuier Sauvage, c’est l'histoire d'une famille qui rejoint celle d'un pays, d'un peuple. Mohammad Rasoulof raconte les bouleversements d’une société à l’échelle du cocon familial. La première partie du film est en cela subtile et poignante : le père, figure absolue qui exerce sa domination même dans l’absence ; la mère qui s’attache à ses convictions et à son éducation sans poser de questions ; et puis la jeune génération qui rêve de vie et de liberté, et qui aspire à rêver tout court. Tout basculera dans un évènement significatif et, petit à petit, la cellule éclatera dans la fureur. La dernière partie est, certes, un peu trop explicite mais rien qui ne gâche la force du message.