Dire non, refuser.
Refuser le mensonge, la soumission, la servitude à un régime politique qui contraint les corps et les esprit. Les graines du figuier sauvage met en exergue le refus d'une jeune génération face à leurs aînées et matérialise cela au sein d'une cellule familiale, ce qui renforce davantage le geste politique et cinématographique du métrage.
J'ai particulièrement été embarqué dans ce premier acte qui questionne la stabilité de la famille par le prisme de la promotion professionnelle du père, qui aspire à devenir juge pour le régime en place. Ici il est question de parti pris, cette famille par la figure du père fait partie d'un camps : le camps du conservatisme et elle incarne de l'extérieur le régime politique et religieux en place. En sachant que des révoltes se déroulent à l'extérieur, ces révoltés incarnent en hors-champ un camps opposé à celui du régime des mollah et indirectement à cette famille. Comment la cellule familiale va vivre cette période ? C'est tout l'enjeu du film.
La caméra de Rassoulof va naviguer dans l'intimité du foyer, ainsi nous sommes spectateur de l'intimité de cette famille. Un delta entre ce qu'elle incarne de l'extérieur et ce qu'elle est à l'intérieur va se créer, par le biais des 2 jeunes filles qui vont progressivement bousculer le désir parental d'incarner le camps du régime en place, par respect pour les traditions, par respect pour la figure du père et pour garantir une stabilité financière au foyer. Cette dualité interne va porter le film avec brio dans le premier acte : la mère étant la figure centrale. Celle qui va faire le liant entre le camps des révoltés (les filles) et le camps du régime des mollah (le père) au sein de la famille.
Le personnage de la mère, brillamment incarné par ..... est à la fois terrifiant et bouleversant. Terrifiant lorsqu'elle borde son mari comme un enfant, alors que ce dernier assassine une jeunesse en quête de liberté dans le cadre de son métier (comme elle dira : "le travail c'est le travail") ou lors d'une scène dans le lit conjugal dans laquelle elle réclame un lave-vaisselle à son mari. Elle a un côté très froid et calculateur, une carapace. Elle se réfugie dans la télévision pour se rassurer et écouter les "informations officielles". En parallèle ses filles s'informent par ses captations réelles via les réseaux sociaux sur les évènements extérieurs. C'est lorsque ses filles vont la contraindre à faire des choix vis-à-vis d'une amie de l'université que j'ai trouvé ce personnage bouleversant, elle rompt l'équilibre qu'elle impose au foyer et se laisse guider par son humanisme qui l'habitude au plus profond d'elle. L'équilibre est très précaire chez ce personnage et c'est ce qui en fait le plus intéressant et le plus beau du film.
Tout ce premier acte se déroule en intérieur, pour la sécurité de la famille. Entre l'appartement, le bureau du père, et dans les voitures. Rasoulof nous montre les divisions internes du pays et le climat de peur et de paranoïa qui règne. Le pistolet incarnant parfaitement ce climat anxiogène.
Si on en revient à ce pistolet, l'arme de service du père, il va jouer un rôle fondamental dans la suite du récit. C'est à la suite de perte que l'équilibre du foyer va totalement être rompu. Le film bascule ensuite dans une course effrénée hors de Téhéran, en extérieur cette fois-ci à la campagne, menant à la rupture totale du foyer et plus globalement à la rupture entre les femmes et l'homme du foyer. C'est passionnant de voir à quel point un homme peut-être aveuglé par ses croyances, jusqu'à douter de sa propre famille et malgré les souvenirs qu'ils ont en commun. Les images d'archives du caméscope familial ainsi que les scènes familiales filmées mettent brillamment en relief la psychose du père et la perte de contact avec la réalité.
J'ai eu plus de mal avec la succession d'événements de cette dernière partie du film basée sur la recherche de l'arme. Le ton du film change brutalement, cela me semble invraisemblable malgré une image finale grandiose.
En résulte un film à voir pour son ensemble qui questionne de l'intérieur les maux de la société Iranienne dans un contexte politique et religieux qui semble plonger les membres de sa société entre paranoïa et schizophrénie.