Il y a beaucoup de choses à dire sur ce film.
Des éléments positifs.
C'est la première fois en 1974 que sort sur les écrans un film qui met en scène la Rafle du Vel d'Hiv le 16 juillet 1942 en appelant un chat, un chat.
C'est l'Etat français qui organise l'opération et la police française venue de différentes provinces qui met en œuvre la rafle et la plus grosse arrestation de juifs en France pendant la guerre. Aujourd'hui, plus grand monde ne remet en cause cette sombre page de notre Histoire. En 1974, je dirais qu'on découvrait que la France n'avait pas été que résistante et portait une responsabilité dans le massacre des juifs …
Au-delà de l'histoire racontée proprement dite, le film met bien en évidence toute l'ambiguïté de cette période et du comportement des gens : "je vous protégerais bien mais ", …
D'ailleurs le film est un peu construit comme ça dès le générique où on montre une scène et (et pourtant) son pendant. Ernst Jünger, capitaine dans la Wehrmacht, à l'état-major parisien est épris de littérature, de belles idées, rédige son "journal de guerre" et pourtant au même moment des hordes de policiers affluent sur Paris. Ces policiers en mission sont placides et découvrent, ravis, pour la plupart, la Capitale et pourtant ils auront à faire un très sale boulot. Les parisiens désapprouvent dans l'ensemble cette opération et pourtant certains n'hésitent pas à se précipiter dans les appartements devenus vacants pour piller.
Des éléments plus douteux.
L'histoire évoque un épisode de la vie du romancier Roger Boussinot, alors étudiant, informé et révolté à l'idée de cette rafle, qui a voulu tenter de sauver une ou plusieurs personnes en se rendant, seul, dans le quartier Saint-Paul. La plupart des gens sont méfiants devant l'inconnu, subodorent une sombre machination et se dérobent. La réaction me semble normale d'ailleurs. Entre des flics qui raflent tout ce qui porte une étoile jaune (avec "l'avantage" de pouvoir rester ensemble) et un étudiant naïf armé de sa seule bonne volonté, c'est un peu l'histoire de Charybde et Scylla. La seule personne, une jeune ouvrière juive qu'il parviendra à convaincre un peu et qu'il aidera à passer les barrages dans le quartier Saint-Paul finira au dernier moment par se dérober.
La romance entre les deux jeunes gens me semble inutile. Voire même déplacée.
L'errance sans fin dans le quartier Saint-Paul, qui n'est pas si grand, ne me semble pas très crédible à mes yeux. Oh, bien sûr, on peut comprendre que l'idée de Mitrani est de montrer diverses situations, diverses scènes à la façon d'un documentaire que ce soit sur les comportements de la population juive entre résignation et volonté de fuir (mais pour où ?) ou sur les comportements de la population française entre fermer les yeux, un peu d'empathie mais pas trop ou carrément aider (comme l'action des proxénètes).
Le jeu des jeunes acteurs Christian Rist et Christine Pascal reflète, bien sûr, la candeur et la jeunesse des deux personnages. Judith Magre, Alice Sapritch et Michel Auclair sont très bien mais dans de très courtes scènes.
Au final, le résultat, pour moi, est très mitigé. Il y a, à la base, une vraie volonté de parler de cette effroyable opération en mettant sur la table les vraies responsabilités qui sont du ressort de l'Etat Vichyste. Est-ce que cette histoire, véridique, du jeune homme parti sauver, par principe républicain, quelques personnes était le bon angle d'attaque du film ?