ntellectuellement dense et non avare en dialogues, Les Herbes Sèches, malgré sa durée assez conséquente, m'a séduit.
Au travers d'un triangle amoureux torturé qui prend racine dans un coin paumé de Turquie, où l'ennui côtoie la quête d'un sens existentiel, tout le monde semble en prendre pour son grade.
Personne ne ressort en héros ou en anti-héros de ce long-métrage, tant Nuri Bilge Ceylan semble prendre un malin plaisir à disserter sur la condition humaine en n'épargnant personne et en mettant en exergue nos paradoxes au sein de nos comportements et nos modes de pensée, en les exposant tout en évitant l'écueil de la condamnation morale.
Et vu les sujets abordés, il s'agit là d'un véritable tour de force.
Ce qui intéresse le cinéaste, c'est surtout de nous montrer au travers de ce film comment les paradoxes humains (ou du moins ce qui nous semble en être) peuvent s'interpréter au travers de nuances mais que ces dernières ne pourront jamais être révélatrices de la vérité (ou d'une vérité ?) d'un être tant ce dernier est en proie à de très nombreux biais moraux, idéologiques et sociaux, conditionnés par son parcours de vie et dans quel moule il aura été formé.
Après tout, si nous n'arrivons pas à nous comprendre nous-même, comment ceux qui nous entourent peuvent-ils prétendre savoir ce que nous sommes, tant ces contrées de l'être semblent plus ressembler à une jungle parsemée de végétations luxuriantes, habitée par des bêtes sauvages et où s'y frayer un chemin pour en sortir, seul, semble être une vaine démarche ?
L'écriture du film est brillante, même si le côté verbeux, complètement assumé, pourra en rebuter plus d'un tant les dialogues fusent dans tous les sens et que lire les sous-titres s'avère parfois être extrêmement sportif tant ces derniers ont tendance à s'enchaîner assez rapidement.
Bien que ces dialogues apportent un véritable dynamisme à ce film, porté par des acteurs géniaux et habités, il va avoir malheureusement très peu tendance à nous accorder des moments de répit ou de respiration dans la construction du récit à tel point que cette surenchère peut s'avérer être, parfois, légèrement irritante.
Etait-ce là aussi volontaire ? Je n'en sais rien.
N'ayant vu que "Winter Sleep " du même réalisateur, il semble que cette surabondance de dialogues semble être une "signature" du cinéma de Nuri Bilge Ceylan, et que ces dialogues ont tous des degrés d'authenticité divers.
Le film est truffé de symbolisme, toujours utilisé à bon escient, jamais trop appuyé et extrêmement pertinent et surtout, il ne contient que quelques secondes de musique et, réaliser un film maintenant un dynamisme pareil, grâce à ses acteurs et leurs performances magistrales, ses discussions passionnées... cela s'avère, là aussi relever, d'un autre véritable tour de force.
On pourrait encore discuter très longtemps de ce que "Les Herbes Sèches" a à nous offrir, notamment en raison de sa richesse au sein des thématiques qu'il déploie.
Un film posant beaucoup de questions extrêmement pertinentes sur la condition humaine, notre rapport au collectif ou à l'individuel, les lois morales, les normes sociales, l'absurdité de la vie.... rythmé par des dialogues frénétiques, des acteurs incroyables et des moments de grâce (malheureusement trop peu nombreux).