Ce film reprend la "légende " de la brigade d'Eliott Ness qui s'était attaquée à la lutte contre le crime organisé pendant la période de la prohibition. Il ne faut donc pas s'attendre à un film rigoureusement historique mais plutôt à un film de gangsters qui s'appuie sur des personnages ayant réellement existé.
On est au cinéma et on savoure.
D'abord la mise en scène de Brian de Palma avec toutes les techniques utilisées pour mettre en valeur telle situation ou tel personnage.
Ah, il commence fort le film avec la scène en plongée sur Capone qui se fait raser et cabotine avec la presse (à ses bottes) ou encore le banquet où Capone explique le rôle d'une équipe, une vraie, à ses adjoints réunis autour d'une immense table ronde, tous plus lèche-bottes les uns que les autres. C'est une variante (moins sympa) que le passage à la trappe ...
Et puis ensuite il y a les décors minutieusement reconstitués des années 20.
Le scénario a pris la liberté de faire apparaître une brigade financière avec quatre personnes alors que dans la vraie vie ils étaient beaucoup plus nombreux. D'abord ça renforce l'aspect épopée ( ça rappellerait presque les trois mousquetaires qui étaient quatre) ; et puis, ce petit nombre d'individualités très différentes questionne sur la stratégie "géniale" d'Eliott Ness : comment des gens qui n'ont rien de commun peuvent-ils réussir ensemble ?
Le scénario est d'une grande habilité dans l'introduction de chacun des quatre incorruptibles :
Kevin Costner en grand garçon naïf est intronisé en grande pompe par des flics qu'on devine "ripoux" ou a minima pas très nets et qui de toute façon sont indifférents à cette nouvelle lubie des grands chefs de créer une brigade financière..
L'arrivée d'Oscar Wallace, petit inspecteur des finances muté à la brigade, est complètement ridicule et déplacée par son constat d'absence de déclaration d'impôts de Capone, patron de la maffia à Chicago. Et pourtant, c'est lui qui finalement aura raison sur la méthode à suivre.
Le recrutement de Malone sur un pont de Chicago est magnifique. Une image composite s'en dégage : le flic tatillon et droit dans ses bottes puis revenu de bien des choses puis vieux briscard ("vous avez accompli le premier devoir du flic") puis prêt à en découdre.
Le recrutement par Malone de Georges Stone (Andy Garcia) à l'école de police : "pour ne pas risquer de prendre une pomme pourrie dans la caisse, il vaut mieux aller cueillir la pomme directement sur l'arbre..."
Le rôle d'Al Capone est assuré par Robert de Niro qui comme d'habitude peaufine son personnage dans les moindres détails : pour être le plus ressemblant avec Al Capone, il ira grossir (il l'avait déjà fait dans le rôle de Jack La Motta dans Raging Bull) et se dégarnir d'une partie de sa chevelure.
On a parlé de la scène "forte" du banquet mais la scène où De Niro pleure à l'écoute du castrat dans un opéra italien alors que Franck Nitti, son homme de main lui annonce à l'oreille, le résultat de sa mission est tout simplement géniale voire d'anthologie.
Pour finir, revenons à Kevin Kostner, au delà de la scène ultra connue à la gare centrale de Chicago, clin d'œil à Eisenstein, il faut mentionner la splendide vue en contre plongée où Eliott Ness est droit comme la justice immanente (et expéditive) au sommet d'un immeuble après avoir balancé Franck Nitti dans le vide.
A la fin du film, la réponse d'Eliott Ness au journaliste qui lui demande ce qu'il va faire une fois la Prohibition terminée "j'irai prendre un verre" relativise la Prohibition qui n'a jamais été qu'un moyen conjoncturel de lutte contre les entreprises criminelles.