Ce n'est pas le seul film de Terence Malick que j'ai vu. Mais je ressors de chez Malick avec, à peu près toujours, la même impression.
C'est spectaculaire et c'est beau. Les plans fixes contemplatifs inscrivent le film dans un espace où le temps n'a plus vraiment d'importance.
Habituellement, au cinéma, les images accompagnent et illustrent le scénario. Ici, c'est l'histoire qui illustre les images. J'exagère à peine.
Pour faire court et aller à l'essentiel, le scénario évoque un triangle amoureux entre deux ouvriers agricoles, Bill et Abby, sa copine qu'il pousse, opportunément, dans les bras du fermier (atteint d'une maladie incurable) ; Une fois mariée, Abby tombe amoureuse du fermier qui n'est plus si malade…
D'ailleurs Malick laisse carrément le spectateur se faire une opinion sur l'avancement de l'action et sur la psychologie des personnages car bien des scènes sont muettes et simplement accompagnées de la voix off de la petite sœur de Bill qui se pose en témoin, plus ou moins éclairé, de la vie de son frère Bill.
Et c'est tout l'art de Malick de prendre son temps et de filmer de splendides plans fixes de la nature, du ciel, des couchers de soleil dans lesquels il place ses personnages qu'on observe de loin ou au sein d'une action.
Par exemple, tout au début, Bill est ouvrier dans une fonderie où il travaille sans passion. On sent la fascination bien plus grande de Malick pour l'environnement, la photo d'une coulée de métal en fusion et surtout le bruit infernal de la fonderie tandis que les démêlés entre Bill et son patron passent au second plan. L'idée de Malick est d'ailleurs de faire évoluer ses personnages d'un enfer à l'autre. D'un univers industriel monstrueux à un univers agricole tout aussi monstrueux. Dans un cas comme dans l'autre, les éléments extérieurs sont tout puissants et l'homme n'est pas grand-chose. Le travail a la ferme est dur et impitoyable. La moisson est effectuée par une armée d'énormes et monstrueuses machines à vapeur (on est au début du XXème) qui ne font que couper les blés. À charge pour les ouvriers agricoles de courir à côté des machines pour en extraire les gerbes.
La dramaturgie du film n'est pas du tout dans la pénibilité du travail qui est ce qu'elle est en ce début de XXème... Le film n'est pas du tout le remake des "raisins de la colère" de Ford et je ne crois pas y avoir vu la moindre connotation sociologique ou politique …
Elle n'est pas non plus dans l'histoire dont j'ai déjà dit qu'elle est presque accessoire (en exagérant un peu)
On va trouver le drame dans les plans fixes (somptueux) du ciel où on observe des nuages menaçants. Surtout dans l'invasion des sauterelles, minutieusement et entomologiquement, filmée par Malick. L'incendie, provoqué par l'homme en réaction désespérée aux sauterelles, va finir de tout dévaster sans qu'il puisse être maîtrisé. C'est la nature qui commande et qui mène le monde et non l'homme…
Du coup, est-ce qu'il me faut parler du casting ? Oui peut-être, quand même. Le rôle de Bill est assuré par Richard Gere, Abby par Brooke Adams et le fermier par Tom Sheperd. Sans surprise, ils font très bien le job mais comme déjà dit, leurs rôles sont finalement peu de choses face au vaste monde.
Au final, c'est un film très esthétique. De sublimes paysages. La Nature filmée avec les moyens techniques ad hoc. La Nature omniprésente et toute puissante. La Nature qui peut se révéler un enfer pour l'homme.
Mais, aussi, un film froid avec des personnages un peu vides, un peu trop schématiques. Je devrais logiquement aboutir à une note de 5. Reste les séquences (cauchemardesques) des sauterelles voraces qui vont me faire rajouter un point supplémentaire …
À quoi tiennent "les jours du paradis" …