Au risque qu'on m'éparpille par petits bouts, façon puzzle...

Je n’aime pas « Les tontons flingueurs. »
Ça peut avoir des allures du gars qui aime juste jouer les anticonformistes, mais pourtant c’est un fait : je n’aime vraiment pas « Les tontons flingueurs ».


Alors OK, il y a un sacré casting et personne ne pourra nier que certains moments sont désormais cultes. Des bruits déroutants de silencieux en passant par la petite ritournelle qu’on entend à chaque fois que Bernard Blier se prend un pain de la part de Lino Ventura ; de la petite séance de cuite aux petites punchlines de l’ami Audiard : oui, c’est vrai qu’il y a ces moments-là et qu’ils font sourire.
Et loin de moi l’envie de renier le côté sympathique et bon-enfant de ces « tontons » car c’est bien cela qui leur vaut chez moi cette note presque médiane qui, au fond, traduit mon circonspection.


Seulement voilà, au-delà de ça, il y a quoi ?
Beaucoup de choses qui m’ennuient ou que je ne comprends pas.
D’accord, il y a les dialogues d’Audiard, mais quel plaisir en retire-t-on quand on ne comprend pas les répliques des acteurs allemands ou italiens qui ne sont là que pour satisfaire les producteurs étrangers ? A quoi bon en passer par là quand on se doit carrément de redoubler une actrice dont la présence n'est justifiée que par son joli minois ?


Et puis c’est d’ailleurs bien gentil de se focaliser sur les dialogues d’Audiard, mais on pourrait quand même aussi questionner la pertinence du scénario.
Il expose beaucoup pour répéter régulièrement.
Il s’étend sur des scènes marginales et qui ne disent au fond pas grand-chose (la scène de la péniche, la scène du camion de pastis.) Et le pire c’est que chacune de ces scènes n’entraine généralement que peu de conséquences sur la suivante.


On cherche à buter l’ami Fernand ? Ah bah ça ! Mais que va-t-il donc se passer ? Va-t-il dessouder les félons ? Bah non. Il retourne à la maison, il s’occupe de cette nièce insupportable et, de temps en temps, il met un petit bourre-pif au père Blier histoire de montrer qu’il n’est pas content.


Au final, les scènes flottent un peu les unes par rapport aux autres.
Elles arrivent comme ça et repartent sans laisser de trace sur l’intrigue.
C’est un peu écrit comme un film à sketchs. Des sketchs assez légers. Trop légers.
Par exemple on n’arrête pas de monter en épingle cette scène où Blier, Ventura, Dalban et compagnie sont en train de se taper une cuite. Alors d’accord, je l’aime bien cette scène. Voir Blier faire le mec bourré, ça vaut son pesant de cacahuètes. Mais franchement, au-delà de ça, il y a quoi ?
Cette scène est-elle un pivot dans l’intrigue ?
Quelqu’un se souvient-il d’ailleurs de ce qui survient avant et après cette scène ?
Bah non.


En fait ce film, soit il se repose sur ses acteurs, soit il repose sur une ou deux phrases ciselées.
Par contre, pour le reste, il peine à exister et – désolé de le dire aussi crument que ça – mais des fois il pique même carrément les yeux et les oreilles.


La première scène de règlements de compte, je suis désolé, mais chez moi, c’est non.
Le bruit des flingues. L’enchainement désastreux de plans entre le coup de feu, la vitre brisée et la voiture qui part en tonneau, c’est juste dégueulasse.


Cette scène, c’est d’ailleurs celle à partir de laquelle on sent que Lautner commence à lâcher l’affaire en termes de réalisation et de montage. Autant toute la séquence dans le bowling avant et après le Mexicain sont très séduisantes en termes de densité, de dynamiques des lignes et de contre-plongées visant à statufier les lieux et les personnes, autant après ça on fait du gentil plan-plan où l’acteur occupe souvent tout le champ histoire de ne pas trop avoir à se casser le cul en termes de gestion d’espace et c’est basta.


Et si ça tient encore à peu près la route sur les deux-tiers du film, le dernier tiers est juste rushé en termes d’écriture et de montage.
Plus les minutes s’égrainent et plus c’est atroce, le final décrochant quand même la palme du jm’en-baleck avec une conclusion en quatre plans « emballé c’est torché ».


(Ah mais au fait, on a oublié de gérer Theo ?! Le voilà qui arrive en voiture en plein mariage ! Ha ha ! Attention grand final ! Eh bah non. Boum. Fumée. Coucou c’est nous on a fait sauté la voiture ! Ah cool ! Sympa ! Prions. Plan extérieur de la voiture en train de cramer devant l’église et panning vertical opéré en moins de deux secondes sur le clocher. Fin. Générique. Merci pour la money ! Bye ! »)


Alors le pire, c’est que je sais que c’est cruel de dire cela parce que Georges Lautner a justement précisé qu’il a fait beaucoup de sacrifices personnels pour rentrer dans les clous ; que la Gaumont ne le supportait pas, etc… Mais bon, franchement, ça ne justifie pas quand même qu’on boucle un film à l’arrache comme ça.
On ne me fera pas dire qu’il n’y avait pas possibilité de faire mieux que :


« Allons chez Theo ! Ah il est pas là ! On crame tout et on se barre ! »
Je suis désolé mais c’est une scène qui ne sert à rien. Autant ramener des mecs pendant le mariage qui disent : « On revient de chez Theo, on le retrouve pas. »


Idem, moi j’ai un gros souci avec cette scène où on voit...


Pascal et son frangin sortir de la résidence, juste avant que Theo débarque en voiture pour tout sulfater. L'enchaînement est direct. Les deux plans se raccordent en champ / contrechamp, donc pour moi Theo vient de descendre Pascal et son frère. Alors du coup, moi je pose une question : comment ça se fait qu’on retrouve par la suite les deux frangins vivants dans la maison de Fernand ? Theo les a buté ou il les a pas buté ? Si oui, pourquoi ils reviennent après ? Si non – si Theo s’est juste défoulé à tirer dans le vide – pourquoi tu insères ça juste après le plan où on voit les frangins sortir ?!


…Bref tout ça pour dire qu’il y a quand même beaucoup d’éléments pour en faire un film compliqué à suivre de ce film. Il a des aspects sympas, c’est vrai, mais globalement il est léger, brouillon et bancal.


Alors pourquoi tout le monde le considère comme un mythe indéboulonnable dans ce cas ?
Pourquoi cette adulation presque unanime ?
C’est qu’il a forcément quelque-chose de plus ce film !


Eh bien oui - effectivement - ce film a quelque-chose pour lui. C'est indéniable.
Et ce « quelque-chose » je pense qu'on ne peut le comprendre qu'au regard de ce qui se faisait à l'époque.
Moi par exemple, si je compare ce film à d'autres comédies telles que « Touchez pas au grisbi » je reconnais que ces « Tontons » les surpassent largement...
...Maintenant ça ne veut pas forcément dire qu'on touche là aux sommets du septième art.


Après c'est sûrement là tout le problème qu'il y a de découvrir un film hors de son temps.
Quel référentiel prendre ? Quel filtre adopter ?
Celui de l'époque où il a été fait ? Celui de l'époque où on le regarde ?
Celui du nostalgique d'une période révolue ?


Mais peut-être que dans l'adoration de ces « Tontons flingueurs » il n'y a rien de tout ça.
Peut-être que derrière ces discours dithyrambiques se cachent tout simplement des souvenirs lointains et sélectifs.
On a retenu les quelques minutes réjouissantes et on a pudiquement effacé de nos mémoires tout ce qui fait de ces « Tontons flingueurs » un film vraiment pas transcendant.


Et en soi, pour ma part, ce n’est pas vraiment un problème.
Je remercie ce film pour les moments cultes qu’il a produit, mais ne comptez pas sur moi pour me le refaire d’une traite.

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le 17 janv. 2019

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