Mad God
7.1
Mad God

Long-métrage d'animation de Phil Tippett (2021)

Phil TIPPETT fait partie de ces artisans de l'ombre dont le grand public connait forcément le travail sans toutefois être capable de mettre un nom sur la personne ayant accompli ces travaux. Figure majeure de l'animation, notamment en stop motion, mais aussi maquettiste de génie et créateur de décors et de marionnettes ou même d'animatronics les prouesses techniques de ce grand enfant sont visibles dans une liste impressionnante de films parmi lesquels Jurassic Park (1993), La Guerre des etoiles (1977), RoboCop (1987), Willow (1988) ou encore Starship Troopers (1997) et la liste est loin d'être exhaustive. Avec son allure qui le ferait passer pour le père noël ayant décidé de rejoindre un club de motards ce grand père facétieux chez qui l'enfant enfoui en lui continue de mener la danse et d'inspirer le travail, le plaisir absolu de voir à l'écran prendre vie des créatures dans des décors tangibles demeure.


L'existence même de ce projet de long métrage dans l'industrie cinématographique actuelle tient du miracle, projet débuté en 1981, il finit par voir le jour en 2021, entouré d'une équipe restreinte choisi parmi ses plus proches collaborateurs et véritables légendes elles aussi de l'animation, Phil TIPPETT y travaillera de façon sporadique, créant là une créature, puis ici un storyboard, profitant des trous dans un emploi du temps surchargé pour tourner une séquence de quelques secondes, n'y revenant pas durant des mois, pour au final obtenir un film d'une heure et vingt minutes unique.


Véritable objet filmique non identifié, on touche ici au cinéma du bizarre et de l'étrange dans son acception la plus radicale. Vous pensez avec des films comme Scanners (1981) ou ceux de David LYNCH être rompus à l'étrange, vous êtes comme moi un grand admirateur du bizarre onirique du cinéma de Alejandro JODOROWSKY et pas grand chose ne peut vous étonner ? Oubliez tout, là on franchit une étape supplémentaire et les bribes de connexions avec la réalité qui peuvent exister dans le cinéma ici évoqué sont pulvérisées.


Dans un monde souterrain peuplé de créatures infernales, on suit un personnage étrange et mystérieux qui semble être en quête de quelque chose et qui devra au fur et à mesure de son aventure tartaréenne se confronter à l'organique le plus purulent, les fluides les plus étranges et les entités les plus absurdes et grossières. Imaginez un enfer issu du bestiaire mythologique le plus fou et imaginatif qui aurait évolué en parallèle du monde ayant par exemple lui aussi fait vécu sa révolution industrielle. Machinerie, rouages, poulies, mais aussi écrans qui comme les mille yeux d'Argos ne vous laisse aucune échappatoire, vont offrir à un démiurge sociopathe, à des savants fous des possibilités de tortures et sévices délicieux infinies.


Deux séquences pour vous donner un aperçu qui effleurera à peine ce qui vous attend, la première voit un monstre constitué d'une bouche difforme qu'une créature esclave nourrit et directement derrière cette bouche un énorme cul, agrémenté d'une énorme paire de couilles sales et poilues qui gigotent au rythme des mouvements impétueux de cette création cauchemardesque, une seconde créature est chargée d'essuyer l'anus chiasseux de cette chose, mais la première créature nourrit alors la bouche et comme le processus digestif est réduit à l'immédiateté cela déclenche ipso facto une évacuation de selles qui vient noyer la pauvre bête sensée la torcher.

La seconde, dans un bâtiment servant d'hôpital, le genre d'hôpital ou vous prierez tous les dieux de l'histoire de l'humanité pour ne jamais devoir vous y faire soigner, on assiste à ce qui débute comme une opération de l'abdomen faite sur personne consciente et pas trop d'accord sur le principe, se poursuit par une chasse au trésor dans les tréfonds viscéraux et s'achève par la césarienne sanguinolente qui mettra au monde une chose aussi hideuse qu'absurde, le tout baigné dans une ambiance, une lumière et une texture des matières ahurissante et une profusion de matières organiques putrides, gluantes et sanglantes qui font passer la pochette de l'album "Butchered at birth" par le groupe "Cannibal Corpse" pour l'illustration gentille d'une publication pour enfants en bas-âge.


Je ne suis même pas certain qu'il faille chercher un début de scénario ou une cohérence logique dans cette succession de tableaux stupéfiants, la prouesse technique et la qualité intrinsèque de l'œuvre se suffit à elle-même et si la radicalité et la violence et l'absurdité de l'univers présenté ainsi que la bizarrerie sont des choses qui peuvent vous heurter n'y allez pas et même si vous êtes amateurs ne le montrez pas à tout le monde.


Moi j'ai adoré !

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le 6 nov. 2023

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