Emmanuel Mouret a toujours filmé la bourgeoisie avec un certain détachement et s’est clairement toujours plus senti concerné par la lutte des sentiments que celle des classes (ce qu’il précise d’ailleurs dans une interview récente sur Canal +, en affirmant qu’il ne cherche jamais à délivrer de message dans ces films). Ce qui semble fasciner le réalisateur, c’est plutôt le lien qui unit, dans le jeu amoureux, les embarrassés aux insistants. La gaucherie chez Mouret n’est cependant jamais exempte d’une certaine condescendance, et la drague s’accorde toujours avec une recherche sincère de l’épanouissement. On retrouve cet état d’esprit dans Mademoiselle de Joncquières, mais de façon exacerbée : transposée dans la grand bourgeoisie du XVIIIè, le cinéma de Mouret ouvre de nouvelles perspectives : les dialogues ciselées laissent place à de vraies joutes verbales, et pour la première fois chez le réalisateur le marivaudage côtoie le drame dans un même film, alors que Mouret préférait jusqu’ici une forme de légèreté dont la futilité s’assumait totalement. Impossible de ne pas évoquer l’interprétation de Cécile de France et Edouard Baer qui trouvent sans doute ici leurs plus beaux rôles. A cet égard on ne sera pas tant surpris tant Emmanuel Mouret se montre aussi, depuis le début de sa carrière, un excellent directeur d’acteurs.