Manu et Jean-Gab (Grégoire Ludig et David Marsais) découvrent dans le coffre d'une voiture volée au cours d'une mission un insecte d'une taille extraordinaire à mi-chemin entre la mouche et la hanneton. Encombrante dans un premier temps, la créature finit par trouver grâce aux yeux de ces deux Jean-trentenaires un peu bons à rien qui se mettent en tête de la dresser en espérant en faire une attraction rentable. C'était sans compter la rencontre fortuite avec Cécile (India Hair), ancienne Manu, chez laquelle le duo va être hébergé malgré lui...
Pour fêter comme il se doit la réouverture (inespérée) des salles de cinéma, Quentin Dupieux fait les choses en grand. Non content de nous livrer le troisième volet de sa trilogie « format 75 minutes » introduite par l'irrésistible Au poste! il y a trois ans, lui et toute sa petite équipe nous ont consacré en ce jour toute une série d'escales parisiennes. Séances toutes quasi complètes, ambiance « baba cool » apaisante du public et richesse en moments d'extases, telle est la recette sine qua non de la plus jouissive séance de Mandibules.
Débutant tel un road movie où un camping car et un vélo orné d'une licorne demeurent - avec Bruno Lochet dans son heure de gloire - les principaux acteurs, le film vire efficacement au huis-clos au final de sa première demi-heure, déployant ainsi dans toute sa splendeur des influences humoristiques plurielles. Si le premier acte développe un climat *Dumb and Dumber*esque presque évident, détachant ainsi le métrage d'un surréalisme absolu, le deuxième dévoile une facette de thriller gentillet,
portant principalement sur les difficultés du binôme à cacher l'existence de l'animal auprès de Cécile et de son clan excentrique).
Un pitch certes moins politique, et visuellement moins agressif, mais contribuant à une ambiance moins austère qu'à l'accoutumée - loin en tout cas de l'épicurien schizophrène dominé par Dujardin dans Le Daim et le face-à-face glauquissime entre Poelvoorde et Ludig dans Au poste.
Mandibules n'est certainement pas aussi subversifs que ses aînés mais ne se prive pas pour autant d'envoyer de nombreux pics plus ou moins percutants, notamment en destination des profiteurs et des morales finales niaises et impertinentes.
Cette pauvre Agnès (Adèle Exarchopoulos) privée d'un parler normal passant à de nombreuses reprises pour une folle tordue, et ce retournement final soulevant une caricature hilare du happy end.
Quiproquos, dialogues et mouvements laissent place mieux que jamais à un film de Dupieux narratif, à peine gâché par quelques idées de twist demeurant peu exploitées, telles que l'homonyme et la stabilité du personnage campé par Roméo Elvis. En outre, une nouvelle comédie noire irrésistible, homogène et hétéroclite pour tous publics, que nous livre un auteur capable de se renouveler, sans pour autant renoncer à son style inimitable et qui fait... mouche.