Culture chaude contre culture froide
Étrange comme ce film est entré en résonance avec mes réflexions du moment sur la culture et le politique. Culture chaude des gens, des boliviens de la guerre quotidienne de l'eau et du capitalisme obscène contre la culture froide tout aussi obscène des éduqués qui se gargarisent de héros historiques (Bartolomé de Las Casas) et qui baignent dans un commun industriel dépolitisé, celui du film en train de se faire : la fabrique de la Culture.
Moment clé quand le réalisateur essaie d'empêcher le producteur d'aller chercher une petite fille blessée parce qu'il va prendre des risques, la fin justifie les moyens : "nous on fait un film pour l'éternité, elle on l'oubliera". Point précis de la rupture où le cinéma se perd, se calcifie pour devenir une occupation. Effarante faculté du spectacle socialisé dont la production déshumanise et engendre des oeuvres qui ne peuvent exister en tant que telles que si elles sont, précisément, réchauffées. Puissance du froid sur le chaud, qui absorbe la multitude en se glorifiant de lui rendre hommage.
Pourtant le film manque d'ambition en mimant une réconciliation tiède et en réduisant l'enjeu à une personne, le producteur, comme si tout ça était affaire de caractère... Faiblesse de ce pathos stupide qui aurait pu tragiquement rendre lisible ce gouffre entre chaud et froid.
Mise en abîme qui porte un troisième film qui ne se fait pas : la jeune femme chargée de filmer le tournage lutte trop mollement pour sortir de l'industrie, faire un documentaire sur le chaud, connecter le cinéma au réel... peut-être est-ce là, au fond, la tiédeur la plus dramatique.