Merci la vie, c’est un peu l’adieu de Blier à des tournages réguliers. Troublé par le puritanisme des mœurs modernes, il a rapproché son style, sur le tard, d’un cynisme épuré, et lui qui était spécialiste du rapprochement des corps a opéré celui des esprits. Dans l’exploration de ses chers tabous qui cessent, pour partie en tout cas, d’être les tabous de la chair, il donne la poésie à son image et toute leur liberté à ses acteurs.
Il faut dire que l’œuvrette tient de l’écriture thérapeutique, puisant dans l’absurde toute la ressource des ses rebondissements jusqu’à n’être plus très claire. On a le sentiment d’assister à la naissance de la noirceur cynique et dépouillée de ces métaphores qu’on retrouve chez Blier bien longtemps après, dans Le Bruit des glaçons (2010). Avec des didascalies magistrales, il fait du contresens l’épidémie de son scénario, une sorte d’éxégèse des phobies cinématographiques, une solution facile pour tenir en haleine. L’écriture automatique a cet avantage de ne jamais perdre son rythme, mais cette revanche du réalisateur sur le monde qui le fait vivre a quelque chose de capricieux, d’un peu impulsif, dont les gueulantes de Michel Blanc et Charlotte Gainsbourg semblent les symptômes.
Héritant de Mocky dans la topographie villageoise ainsi que dans la prise de parole et le ton largement jean-foutre, il signe un patatoïde presque drôle et ovnique ; pour qu’il le fût, il eût fallu qu’on s’y retrouvât un peu mieux, au-delà de l’histoire qui, comme souvent chez lui, se résume plus qu’elle ne se narre : il eût fallu que ses allégories scriptiques de la naïveté, du mariage, de l’égoïsme et d’un carpe diem dépressif (où les peines de cœur durent le temps d’un battement) eussent un rôle à jouer plutôt que de flotter bêtement sur les lignes du reniement.
Quantième Art