J'avais vu Hereditary en streaming, je sais c'est moche. Il y a ce plan fixe génial sur la maison, qui m'a profondément angoissé. Je scrutais les arbres sur les côtés, la voiture dans l'allée, à la recherche d'un mouvement quelconque, incapable de dire si c'était la maison ou la maquette et plus le plan durait plus je me sentais mal. Du génie pur. Bon, au bout d'une interminable minute, je me suis finalement rendu compte que l'image était figée et que le film ne chargeait plus. Je me suis senti con. Mais du coup c'était une chouette expérience ciné et rien que pour ça j'aime internet. Et Ari Aster.
J'aime bien les bars aussi. J'y ai croisé un type qui parlait de Midsommar une fois. Il était là, genre : « oui, alors, diégétiquement parlant, je veux dire, dans la diégèse du film, leur oracle qui écrit le texte sacré, comment dire que ça colle pas avec la durée de 90 ans qui est donnée ». Je vous passe les détails mais il m'a donné envie de regarder le film juste pour le plaisir de lui dire qu'il avait rien compris ce nul. Une intuition comme ça. Et effectivement : il a rien compris. C'est pas le seul. Tous ceux qui comparent le film à WickerMan non plus n'ont rien compris. Ça montre, je trouve deux habitudes qui sont les nôtres en tant que spectateur et le ressort particulier de Midsommar. Ce film joue du fait que nous soyons des spectateurs et des auditeurs superficiels. Nous voyons, nous entendons, mais nous ne prêtons pas attention à ce qui se dit et à ce qui se voit. Je me demande d'ailleurs réellement ce qu'on voit d'un film quand on le regarde pour la première fois. Je me mets dans le lot : lors de mon second visionnage, je me suis rendu compte que tout ce que j'avais cru comprendre par moi-même avait été dit très ouvertement par les personnages. J'avais simplement pas fait gaffe. J'avais rien découvert en fait, j'avais enregistré sans le savoir. Je me suis senti con. Mais du coup j'aime bien Ari Aster. Notre deuxième habitude, c'est de croire que l'horreur est ce qui choque. Ce qui écœure. Conception de l'horreur qui nous conforte dans nos vies, nos habitudes. Mais qui n'a rien de si évident : qu'un film le remette en cause et il ne sera pas compris. Ce qui est horrible dans Midsommar, c'est que l'horreur est quotidienne. Dans They Live ! aussi d'une certaine manière, mais lui nous conforte dans nos habitudes de spectateur : il transforme la vie quotidienne en produit d'invasion extérieure. Le moyen de s'en sauver, c'est de mettre des lunettes de soleil, donc en un mot d'être cool. Ce cynisme cool (« toi je t'aime bien, mais toi t'as une sale gueule ») s'est vite fait réintégrer : les envahisseurs aujourd'hui prônent le cool et si les conformismes affichent l'esprit rebelle, clairement ça signifie que la véritable invasion, la véritable horreur, c'est la vie quotidienne. Midsommar assume cela pleinement et si le film est solaire, ce n'est pas parce que le soleil écœurant est criminel et appelle le sang comme chez Bataille, que j'adore pourtant, mais c'est parce qu'enfin on sort de la nuit, de l'horreur, de l'angoisse et qu'on revit avec la nature.


Voilà en gros ce que je veux dire. Et comme je l'ai déjà dit simplement, vous n'êtes pas obligé de poursuivre, parce que ça va être un poil barbant à lire.


Réglons d'abord son cas à l'oracle. Le souci du type dans le bar, c'est le mensonge. En effet : « comment un événement peut avoir lieu tous les 90 ans si personne ne vit au delà de 72 et que la prêtresse est manifestement pas en mesure d'apprendre les rites et de les enseigner, comment est-ce qu'elle peut guider la communauté en rédigeant des carnets ? Comment sait-elle quoi écrire alors qu'elle sait pas écrire ? Comment la mémoire peut se prolonger dans ces conditions ? » Ça le gênait. Il comprenait pas. Une première réponse c'est le mensonge : cette date est arbitraire et fausse et faut pas la croire. Ce n'est pas le seul mensonge proféré dans le film. D'ailleurs, les parents de Pelle sont morts dans un incendie et on comprend sans mal qu'ils sont morts pendant le festival. Ça m'étonnerait franchement qu'ils soient morts 90 ans avant les événements montrés. Mais si la gamine n'est pas là pour garder et véhiculer la mémoire des rites, à quoi sert-elle ? La chose nous est dite : elle est née d'une union incestueuse volontaire. Elle est sacrée parce que sacrilège et rappelle à la communauté les risques de dégénérescence liés à l'inceste et la nécessité, pendant les années de pèlerinage, de ramener des gens de l'extérieur. Ses dessins sont alors soit de la poudre aux yeux, un leurre, le vrai mensonge, soit sa manière de réagir aux événements, de les exprimer. Ce seraient alors bien des histoires. Histoires des sentiments communautaires que seul un œil exercé peut décrypter. Si ce sont là des histoires sentimentales, comme la mémoire des gestes rituels est-elle véhiculée ? Non par les livres comme chez nous, mais par les lieux. Les lieux, par leurs images, imprègnent les membres de la communauté de la connaissance des rites et des actions à mener. Toute la mémoire est communautaire : présente en chacun des membres et dans tous les lieux qu'ils partagent. C'est dire que la mémoire dans ce film n'est pas l'image mentale individuelle mais l'image sociale et physique. Elle passe par les corps et l'espace, devenu l'équivalent d'un film dans lequel les corps évoluent et je crois vraiment que ce film n'est rien d'autre que ça, une réflexion sur l'image, sur notre rapport aux images et le pouvoir des images. Ce qui se jouait déjà un peu avec les maisons miniatures d'Hereditary.


Quelles sont les images, les types d'images, que le film met en jeu ? Il y a le film lui-même, les plans. Il y a les peintures et les photographies présentes dans les décors urbains, puis les innombrables décorations au sein de la communauté. Les mots aussi, qui sont les images sonores des pensées. Au début du film, les plans, les décors, dénoncent l'ambiguïté des personnages, leur isolement, leurs mensonges. Les plans du début indiquent la glaciation des rapports humains, filtrés par les écrans, les téléphones, creusent la distance entre les personnages qui ne sont jamais dans le même espace bien qu'ils soient tous dans la même pièce : coupés les uns des autres quand ils se parlent, ils ne parlent, par la magie des plans, qu'à des reflets. Reflets qui trahissent la duplicité de Christian. À aucun moment il n'est sincère, il se cache derrière les mots pour masquer ses pensées et masquer qui il est. Il ment, et par là il montre la véritable fonction du langage : masquer nos réelles pensées, nous dissimuler et nous éviter de nous trahir. Comme on ne peut se fier à ce qu'il dit, l'espace autour de lui parle à sa place et nous le révèle : la première fois qu'on le voit, il a deux paires de seins au dessus de la tête. Il ne pense qu'à ça. À son bureau, l'image la plus grande est celle d'un homme assis qui se dissimule le visage dans sa main. Pendant la dispute il est vu dans un miroir. Dans le salon où tous les amis sont réunis, ils sont tous devant leur ordinateur ou un livre ou un cahier, Christian lui est dans le miroir encore, dans un espace qui n'appartient qu'à lui, loin de tout. Il est aussi associé, dans l'appartement de Dani, à l'ours. Comme on dit, c'est un « ours mal-léché », un animal farouche et peu communicatif, un ours en peluche, qui réconforte et soutient mollement dans l'exacte mesure où l'on se soutient soi-même en le serrant contre soi. Aucun réconfort ne pourrait venir de Josh non plus : dans le salon, il a la tête dans les livres, dans le cadre limité de la bibliothèque derrière lui, dans ses notes qui dans son dos dessinent un brouillard opaque, l'isolant des autres. Dès que la conversation devient personnelle il s'éclipse et ne parle jamais que travail : il est inaccessible.


Tout change après que la caméra nous ait mis la tête en bas, après que le film ait retourné le monde, inversé les valeurs. L'impression angoissante de malaise, d'être mené, dans ce tunnel étroit, comme un mouton à l'abattoir est trompeuse. On pressent l'horreur ; c'est juste le vertige de l'inconnu, du tout autre. Plus de solitude, plus de mensonge. Bien sûr les hôtes mentent une ou deux fois. Mais pour l'essentiel ils sont tous d'une sincérité désarmante. Il est même très étonnant que ces étudiants en anthropologie ne comprennent rien de ce qui se passe autour d'eux alors que tout leur est dit. Nous aussi ceci-dit. La raison c'est que nous sommes des spectateurs superficiels : comme tout est dit en passant, sans que les plans ni la musique n'insistent dessus, du coup ça n'imprime pas. Pas clairement. Et c'est là la grande différence avec The Wickerman et la raison pour laquelle les deux films ne sont pas comparables. The Wickerman oppose un homme avec de solides convictions religieuses et morales opposé à une communauté plus new-age que païenne qui a gardé tous les travers de notre société : la cruauté (le scarabée attaché au clou), le mensonge généralisé. Les seuls moments où un personnage est sincère, c'est quand il se lance dans une controverse religieuse. Encore qu'on ne puisse pas parler de sincérité alors. Regardant The Wickerman on ne peut que s'opposer et rejeter ce peuple paillard, criminel, immoral et « stupide ». Il n'y a rien de tout ça dans Midsommar. Au contraire, la franchise brutale la plupart du temps : qu'arrive-t-il aux habitants après 72 ans ? On les mène à la mort. C'est dit d'un geste, mais c'est dit. Qu'est-ce que cet être sacré, à part ? Le produit d'une union incestueuse volontaire. C'est dit sans honte ni volonté de choquer. À quoi jouent les enfants : ils jouent à écorcher l'idiot. Or, pour un anthropologue, à quoi sert le jeu ? À apprendre les gestes qui plus tard seront utiles. Qu'est-ce qu'un être sacré ? Pas seulement celui qui incarne l'idéal, mais aussi et surtout celui qui menace la communauté, qui incarne son péril le plus grand. Pourquoi des étudiants en anthropologie ne voient rien de ce qui arrive : parce qu'ils sont aveugles. Superficiels. L'un est un idiot, l'autre est enfermé sur lui-même, Josh, le seul qui pourrait comprendre, se contente de collecter des faits sans jamais rien analyser. Il leur manque à tous le sens de l'humain.


La question se pose : à quoi peut bien servir l'image dans un monde transparent ? Si elle ne sert pas à dénoncer de fausses apparences, si elle n'entre pas en conflit avec les personnages pour les juger, si elle ne commente pas les actions pour gagner en profondeur mais se contente simplement de montrer ce qui se passe, elle court le risque d'être pauvre. Comment échappe-t-elle à l'insignifiance et à la platitude ? En créant une distance non plus avec les personnages, mais avec elle-même. Le film va alors pouvoir se devancer, annoncer ce qu'il montrera plus tard, il va pouvoir créer des oracles et les multiplier. C'est pourquoi la seconde partie déborde d'images, de dessins, de peintures, de fioritures. C'est un réseau oraculaire dans lequel l'oeil des spectateurs comme des personnages se perd et trace des destins. Les bâtiments communautaires sont, je l'ai dit, leur véritable bible. Tout ce qui y est peint est une incitation aux actes. C'est ainsi que toute une séquence du film nous est révélée par une tenture au premier plan ; que tout le film nous est déjà révélé par la peinture qui apparaît au tout début. Dans cette mécanique réticulaire où tout se répond, chaque élément présent change, par rapport à ce qu'il était dans la première partie, non de nature mais de fonction.
Le miroir n'est plus là pour dénoncer la duplicité de qui s'y regarde (même Dani est double : elle s'efforce de montrer aux autres un masque joyeux quand intérieurement elle est dévastée—d'où le reflet de sa sœur morte pendant ses hallucinations) mais pour lui dire quoi faire : la jeune fille reproduit avec ses tresses le motif d'épi de blé qui orne le miroir dans lequel elle se regarde. Cela non pas pour dénoncer une dérive totalitaire de la communauté mais pour créer une pure harmonie qui endort progressivement le spectateur : quoi qu'il arrive, on est en terrain connu, tout ce qu'on voit nous a déjà été montré sans qu'on le sache et cela endort notre vigilance. Le réveil est brutal aux scènes les plus choquantes. Elles, elles sont tellement grotesques, gores, que l'image peut s'autoriser la pauvreté, peut se permettre de nous montrer de manière quasi-documentaire ce qui se passe. Cela perturbe bizarrement.
Les images, les décorations permettent au spectateur de devancer le film, de le faire jouer avant qu'il ne se déroule. Un autre mécanisme joue dans le même sens mais pour les personnages : le fait de regarder revient à s'identifier à ce qu'on regarde. Certains oiseaux sont ainsi des symboles solaires parce qu'ils ont la capacité, croyait-on, de regarder le soleil en face. Ainsi Christian fixe l'image d'un ours en train de brûler, Dani les photos des reines. Ainsi Christian sera un ours destiné aux flammes ; mais notons-le, ce n'est pas le même ours qu'au début du film. Il est là question de son avenir, non de son caractère. Les images ainsi acquièrent un réel pouvoir, magique, celui d'engager la destinée des personnages, celui de produire les images qui suivront, assumées alors par les corps, de sécréter de l'intérieur d'elles-mêmes de nouvelles images plutôt que de les inviter seulement à leur succéder. C'est pourquoi il n'est plus besoin du langage des mots : il suffit d'une drogue qui ouvre l'esprit aux sollicitations extérieures pour que chacun agisse comme sur les innombrables images qui autour de lui forment un monde.


Est-ce là un agencement totalitaire, commun au film et la communauté, qu'il faudrait dénoncer ? Est-ce que ces images privent de liberté ? Le spectateur non, qui peut toujours développer le discours qu'il entend, même en dénoncer l'évidence, la redondance. Les personnages non plus. Cette communauté n'est pas démoniaque comme celle de Wickerman. Fermée et séductrice. N'oublions pas que chaque habitant quitte la communauté pendant 18 ans, ce qu'ils appellent le pèlerinage. Certes afin d'amener du sang neuf, mais cela permettrait surtout aux habitants de prendre leurs distances, de n'y plus revenir, de prendre conscience des crimes sanglants, de s'en tenir le plus éloigné possible. Ce n'est pourtant pas ce qui se passe. Ce qu'ils voient chez nous les conforte dans l'idée que la communauté leur permet d'être plus libre et plus heureux. Cela devrait nous forcer à reconsidérer l'idée que l'on se fait de l'horreur. L'horreur n'est pas le sanglant, pas le brutal. L'horreur n'est même pas forcément l'inconnu et le différent. L'horreur n'est pas ce qui menace mes jours mais mon être. Mon être se construit sur des dichotomies claires : intérieur/extérieur, moi/autrui, liquide/solide, etc. Menacer mon être c'est dissoudre ces frontières nettes. Le body-horror le fait en laissant les chairs à vif, en faisant suinter tous les fluides corporels, d'autres genres le font à l'aide de parasites, de possessions, de doubles, etc. L'horreur, c'est non pas ce qui détruit le monde, mais ce qui l'altère. Altéré, le monde reste sensiblement le même, mais quelque-chose change en lui, qui n'apparaît pas, qui produit une menace impalpable qui se diffuse de partout, de tout et de tout le monde jusqu'à rendre le monde non pas tellement invivable, mais méconnaissable. Dans ce monde méconnaissable parfois la menace prend le forme du danger (le démon, le clown, le fantôme, etc.) Mais plus que ce danger c'est notre réaction à l'étrangeté du monde qui détermine l'horreur, l'horreur étant la réaction physique et émotionnelle au glissement du monde dans l'inconnu et à la perte de notre être. Dans Midsommar, oui la communauté tue. Mais je ne suis pas certain qu'elle avait prévu de tuer tous ceux qui meurent dans le film. Ils meurent parce qu'ils agissent mal, parce qu'ils ne cadrent pas avec la communauté, parce qu'ils la menacent : les uns perturbent tellement les suicides rituels que l'un des deux aïeux se rate, un autre pisse sur les ancêtres, l'autre déroge à sa parole et transgresse un interdit qu'on lui a clairement exprimé. Même Christian aurait pu survivre, il lui aurait suffit d'être sincère avec lui-même et les autres, ce qui l'aurait empêché de se mettre Dani à dos. Les conséquences sont sans doute disproportionnées, mais tout cela aurait pu être facilement évité.


L'horreur est ailleurs. Elle est au début du film. C'est l'horreur qui pousse la sœur de Dani à se tuer, et l'horreur qui empêche cette dernière d'appeler les secours alors qu'elle aurait pu la sauver. Qu'est-ce qui l'en a empêché ? Le manque d'empathie de Christian qui lui a dit que le message était différent des autres fois mais a échoué à ressentir la détresse qu'il manifestait. Qui a préféré s'en foutre. Qui plonge Dani dans un enfer permanent qu'elle exprime très bien au début et dont elle souffre horriblement. Oui Christian est là mais elle sent qu'il est pas tout à fait là, oui il compatit mais il dit seulement qu'il compatit. Elle sent, derrière les apparences, les choses glisser progressivement vers l'hostilité, une hostilité larvée qui dégrade tout, vient de partout. Christian est là mais il est pas là, il est de l'autre côté du miroir dans un espace que personne ne peut rejoindre. Il est compatissant mais intérieurement, il ne ressent rien : la scène où il la tient dans ses bras sur la canapé, la caméra ne zoome pas sur eux mais sur la fenêtre. Sur eux, on les aurait vu l'un contre l'autre en gros plan, occuper toute l'image, le monde extérieur menaçant, les événements atroces auraient été écartés, rejetés au loin, par une affection, un amour, un souci humains, chaleureux, réconfortants. On se serait senti rassurés, bien. Confiants pour la suite. La caméra zoome sur un rectangle noir, dans lequel on ne voit rien si ce n'est la neige tomber. Les personnages s'effacent au profit de la glaciation, de l'inhumain. Notre monde est horrible, l'horreur est chez nous. C'est Christian, ce sont Josh et Marc qui menacent la communauté de l'extérieur, en n'étant jamais ce qu'ils disent être, en ruinant les dichotomies claires entre le sacré et le profané, en lisant un livre interdit, entre le pur et l'ordure, en pissant sur les ancêtres. Il est peut-être injuste d'exiger d'eux de respecter des règles dont ils ont à peine conscience, oui, mais ce n'est pas ça l'horreur. Cela aurait été l'horreur s'ils avaient été accueillis avec des squelettes et des torches, qu'on leur auraient dit ce qu'ils risquaient à transgresser des règles dont on ne leur dirait jamais rien. Là la tension se serait joué là-dessus mais, là ça aurait été l'horreur. Ce geste innocent sera-il mal pris ? Ce regard, cette parole, etc. Ici ce n'est pas le cas. Pour qu'il y ait horreur il faut qu'il y ait conscience de l'absurdité et de la menace : Dani seule a conscience de l'horreur quand elle vit au sein de la civilisation. Au sein de la communauté par contre, elle a conscience que cette horreur est levé, elle a conscience qu'on l'a libérée de son angoisse. De la façon la plus simple qui soit : en souffrant avec elle, en pleurant avec elle, en un mot, en compatissant. Ni plus ni moins. Et cette compassion y est totale : on s'extasie de l'extase de l'autre, on se réjouit de la joie de l'autre, on s'afflige de l'affliction de l'autre et on est rasséréné de la sérénité de l'autre. J'appelle pas ça l'horreur ; j'appelle ça l'amour. Un amour qui ne peut exister qu'à la condition d'abandonner les mots pour devenir, librement, l'image de ce qu'est l'autre et, comme un miroir, refléter ses émotions.


Ce qui fait de ce film non pas un film d'horreur, mais un film sur la sortie de l'horreur. Et pour ça, j'aime bien Ari Aster.

lociincerti
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le 8 avr. 2020

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Loci Incerti

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