En introduction à cette critique, il me faut par honnêteté intellectuelle préciser qu'en ce qui concerne David Bowie, je fais montre d'un total et assumé manque d'objectivité ou d'esprit critique. Néanmoins je vais tenter d'apporter des éléments et des arguments construits afin d'expliquer en quoi ce documentaire est immense.
Réalisé par Brett MORGEN à qui l'on doit déjà un autre portrait singulier d'une autre figure majeure du rock, Kurt Cobain, j'ai nommé l'excellent Cobain Montage of heck (2014) dont vous pouvez retrouver mon avis ici même, il reprend le principe d'une approche de l'artiste qui s'éloigne du simple documentaire biographique, hagiographique et chronologique pour s'intéresser plus précisément à un aspect précis de sa création pour à partir de là brosser un portrait à la fois intimiste, féru, admirable et passionnant de son sujet.
S'articulant autour de documents d'archives pour la plupart inédits issus des collections privées de l'artiste et de quelques membres de son entourage proche, fussent t'ils de son cercle professionnel ou de celui de l'intime, d'entretiens et le tout cimenté par la musique, souvent dans des versions différentes. On comprend ou plus exactement on redécouvre en quoi la créativité de David Bowie était liée à des questions d'ordre spirituelles, à des envies vitales d'émancipations, à des nécessités de s'affirmer en tant qu'individu, d'appréhender avec sincérité les conséquences de ses démons desquels le film ne fait aucun mystère et à une soif inextinguible de créer, bien au-dessus finalement d'une quête de reconnaissance ou de succès public. Peut-être faut-il d'ailleurs voir dans cette absence marquée d'une recherche consciente et construite de la célébrité, les raisons de sa réussite ?
Bowie, s'est toujours appliqué à incarner ce qu'il voulait être, ses différents avatars, les styles qu'il a travaillé, l'ont systématiquement été sous le prisme d'une envie personnelle, d'un désir d'affirmer quelque chose de lui, quelque chose d'égotique bien avant celui d'obéir à une attente du public ou d'une mode passagère. D'ailleurs le succès a longtemps fui la carrière de Bowie, mais une fois la sincérité de sa démarche établie, celui-ci ne s'est jamais démenti et les périodes moins fastes sont aujourd'hui réévaluées en ce sens.
Bowie était également une éponge apte à capter, comprendre et à s'approprier les parfums d'une époque, son album "Young Americans" n'a ainsi pas inventé la soul, mais a largement contribué à se redécouverte par le public européen et nombre de musiciens noirs issus de cette scène longtemps cantonnée au public afro-américain considèrent ce disque comme l'un des plus importants du mouvement, cet adoubement démontre selon moi d'une part le génie mais aussi la sincérité de l'artiste dans sa démarche créative.
Objet visuel non identifiable, Moonage Daydream, ne m'a en tant qu'immense fan de David Bowie, objectivement rien appris, mais il m'a confirmé ou plutôt rappelé ce pourquoi j'ai toujours été fasciné, passionné et amoureux de l'artiste et de son œuvre. Ainsi pour quelqu'un qui ne le connaitrait pas plus que ça ou un jeune qui voudrait découvrir l'immense héritage et l'empreinte indélébile qu'il a laissé dans la culture et l'art, je ne pense pas qu'il s'agisse de la porte d'entrée à son univers singulier la plus pertinente. Non je pense vraiment que la meilleure façon d'appréhender Bowie c'est de le faire de façon chronologique, que l'on parle de ses albums, ou de sa filmographie, chaque étape racontant quelque chose de lui, chaque étape étant le socle et l'assise de la suite de son œuvre, ainsi par exemple s'attaquer pour commencer à sa trilogie berlinoise considérée comme l'apex de sa discographie vous fera certes découvrir des albums grandioses mais vous perdrez tout le chemin intellectuel, contextuel et au final indispensable qui vous aideront à comprendre Bowie.
Fabuleux !