Critique rédigée en mars 2018
Baz Luhrmann est un authentique réalisateur aux mille-et-une facettes malgré une courte filmographie, composée de cinq films. Il entame sa carrière en 1992 avec le méconnu Ballroom Dancing, archétype du film indépendant australien. En 1996, sa première trilogie se poursuit par la brillante réadaptation moderne du Roméo et Juliette de Shakespeare : Roméo + Juliette, valant également à Leonardo DiCaprio comme l'une de ses premières révélations face au grand public. Enfin, sort en 2001 le diamant inattendu d'ouverture du festival de Cannes : Moulin Rouge! !
L'histoire prend place à Paris, vers la fin du XIXème siècle. Désarmé, visage boursouflé, Christian (Ewan McGregor), poète bohème, raconte dans ses écrits son ascension, puis sa subite déchéance morale dans le célèbre cabaret parisien du Moulin-Rouge: engagé comme remplaçant de dernière minute pour écrire une pièce, il y rencontre par la suite Satine (Nicole Kidman), la danseuse la plus populaire du cabaret, et comprend dès leur premier regard que la vie les réunira à tout jamais. Or, tout ne se passe pas comme prévu: Satine est destinée à épouser l'orgueilleux et jaloux duc de Monroth (Richard Roxburgh) et la basse condition sociale de Christian l'empêche d'approcher la courtisane davantage.
Franchissements des frontières entre l'amour et la haine, la vie et la mort, le bien-être et le mal-être, ou même la joie et le malheur, l'histoire de ce film se situe à mi-chemin entre le mythe d'Orphée, La dame aux camélias d'Alexandre Dumas Jr., et surtout une relecture totale de l'oeuvre de Shakespeare, pourtant réadaptée dans son intégralité, dans les moindres détails, par le réalisateur cinq ans plus tôt!
En effet, nous remarquons que l'histoire est à peu près structurée de la même manière: une histoire d'amour impossible entre deux personnes (Roméo-Juliette / Christian-Satine), une homme pour lequel la femme est destinée (Juliette-le compte Paris / Satine-duc de Monroth), un homme finalement banni (Roméo de Vérone pour
le meurtre de Tybalt/Christian du Moulin Rouge pour être tombé amoureux de Satine),
et surtout, une mort à la fin du récit, à savoir ici, celle de Satine, souvent contrainte à des malaises.
A part cela, les personnages secondaires, goules, nains, et malades physiques, sont rigolos et réussissent à ne pas plomber l'ambiance belle et froide du film, au contraire en accompagnant leur présence de touches d'humour qui sont les bienvenues dans un tel univers.
La fin éclaircie la thèse de la frontière entre le réel et l'irréel à travers une succession de situations parfois obscures:
car dans la scène finale, on ne sait plus vraiment qui aime qui, si l'amour est vraiment présent, si tout ceci n'était pas truqué ou contrefait, ou sont les réelles émotions, et qui est sincère, et qui surpasse ses pensées.
Luhrmann a un style singulier qui contrairement à une majorité, me parle beaucoup: en effet, ici, on a presque affaire à un clip de près de 2 heures et qui malgré tout passe sans difficultés, puisque l'"univers" présenté est très riche visuellement, mais aussi auditivement: McGregor et Kidman, pourtant amateurs, se débrouillent très bien au chant et réussissent à rendre les chansons et leurs chorégraphies authentiques, entre danse moderne, classique et reprises semi-électro/pop très dansantes, dans lesquelles y passent principalement Queen, The Beatles, Madonna, Offenbach, Elton John ou encore Nirvana.
Pour conclure cette brève analyse, Moulin Rouge! est un feu d'artifice foudroyant le coeur et surtout le yeux grâce à ses images vives et hautes en couleurs, un véritable "moulin d'émotions" jonglant entre l'humour et la tragédie, tantôt "joyeux bordel" rafraîchissante et euphorique, tantôt histoire d'amour poignante, telle une rose parmi les orties dans un monde de durs, inoubliable.