Les occasions du lion
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Barry Jenkins, dont la réputation s’est bâtie sur des œuvres profondément humaines comme 𝑀𝑜𝑜𝑛𝑙𝑖𝑔ℎ𝑡 ou 𝐼𝑓 𝐵𝑒𝑎𝑙𝑒 𝑆𝑡𝑟𝑒𝑒𝑡 𝐶𝑜𝑢𝑙𝑑 𝑇𝑎𝑙𝑘, semblait être l’un des rares cinéastes capables de transcender la commande d’un grand studio et de l’infuser de sa sensibilité. Avec 𝑀𝑢𝑓𝑎𝑠𝑎, il s’attaque à un préquel qui ambitionne d’explorer les origines du père de Simba, figure légendaire et tragique de l’univers de Disney. L’entreprise, pourtant riche de promesses, s’avère décevante à plus d’un titre, loin de magnifier l’héritage du 𝑅𝑜𝑖 𝐿𝑖𝑜𝑛, le film peine à retrouver l’empreinte poétique de Jenkins et laisse entrevoir les limites d’un projet avant tout formaté pour séduire un large public.
Le premier écueil repose dans le montage, dont la structure éclatée fragmente violemment l’expérience du spectateur. Dans un récit qui se voudrait épique et immersif, les moments d’intensité dramatique précisément ceux où Jenkins excelle en temps normal sont perpétuellement sabordés par des incursions humoristiques pesantes. Timon et Pumbaa, devenus ici des espèces de commentateurs métanarratifs, brisent sans cesse le quatrième mur, rappelant à quel point le film se sait produit Disney. S’il existe bien des manières d’incorporer un léger second degré, ces interruptions systématiques finissent par affaiblir toute velléité de sincérité émotionnelle. L’équilibre entre gravité et légèreté, pourtant au cœur de l’esprit original du 𝑅𝑜𝑖 𝐿𝑖𝑜𝑛, vole ici en éclats.
Visuellement, 𝑀𝑢𝑓𝑎𝑠𝑎 prétend renouveler le tour de force technologique amorcé avec les récents remakes Disney, mais ne livre qu’une illusion pâle de photoréalisme. En dépit du matériel de pointe mobilisé, l’animation des lions demeure artificielle, incapable de dégager la force et la noblesse qu’incarnait le dessin animé d’origine. Cette quête d’une vérité numérique finit par peser sur la mise en scène. Les paysages africains, autrefois vastes et baignés de lumière, apparaissent ici lisses et sans relief. Le talent de James Laxton, chef opérateur déjà célébré pour son travail sur 𝑀𝑜𝑜𝑛𝑙𝑖𝑔ℎ𝑡, est dilué dans un cahier des charges qui sacrifie la nuance au profit d’un rendu uniformisé. À force de se vouloir crédible, le film perd de sa magie et nous laisse un arrière-goût d’inachevé.
Au-delà de cet enrobage technique, la substance scénaristique s’avère désespérément bancale. La volonté d’étoffer l’univers de Mufasa et de Taka futur Scar tourne court, faute d’une réelle profondeur psychologique. Taka est dépeint comme un simple frustré, sans que l’on saisisse jamais la genèse de sa rancœur. Les relations fraternelles et amicales, qui auraient pu stimuler une réflexion sur la dynastie ou l’héritage, sombrent dans la facilité et le cliché. Pire encore, les personnages secondaires sont réduits à de simples faire-valoir, ne servant qu’à ponctuer l’histoire de répliques convenues et de ballades musicales insipides, malgré la signature de Lin-Manuel Miranda. Ces morceaux se heurtent à l’ombre indépassable du 𝑅𝑜𝑖 𝐿𝑖𝑜𝑛 originel, dont la bande originale demeure gravée dans la mémoire collective.
On ne peut s’empêcher de regretter l’étincelle habituelle de Barry Jenkins, son art si singulier du cadrage et de la durée, sa manière de faire affleurer la poésie dans la moindre scène intime. Dans 𝑀𝑢𝑓𝑎𝑠𝑎, tout cela paraît réfréné par les impératifs du merchandising et de l’entertainment familial. Le cinéaste, pourtant reconnu pour son approche sensible et immersive, livre ici un récit dont le semblant d’audace formelle est parasité par une logique de grande production. À mille lieues de la partition en clair obscur qui l’avait rendu célèbre, Jenkins peine à imposer une cohérence stylistique, comme s’il s’était résigné à respecter un canevas préétabli au détriment de ses intuitions artistiques.
En définitive, 𝑀𝑢𝑓𝑎𝑠𝑎 s’impose comme un ratage lourd de sens. Barry Jenkins, cinéaste d’ordinaire si inspiré, n’a pu tirer le meilleur parti de cet univers pourtant iconique, la faute à un montage mal agencé, à des effets numériques envahissants et à des personnages esquissés sans le moindre relief.
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