Wong Kar Wai, en réalisateur du spectaculaire, choisit ici - comme dans son plus récent « The Grandmaster » – de délaisser scénario et personnages au profit d'une exploitation dangereuse du sensible spectatorial.
Une fois n'est pas coutume, c'est par de lentes traînées floues, des ralentis dramatiques, des clairs-obscurs et des couleurs de boîte de nuit, qu'il capte l'attention visuelle du public. Les langoureuses mélopées de Norah Jones se chargeant de son ouïe, le voilà donc admirablement enseveli sous des artifices occultant un vide scénaristique certain.
Terriblement consensuel, « My Blueberry Nights » narre avec naïveté et à grands renforts de stéréotypes le périple de la jeune Elizabeth, jolie brune en manque d'affection. Inégal, le film semble osciller entre road movie à un dollar, romance tarte et parcours initiatique sans jamais atteindre son but. Narrativement parlant, Wong Kar Wai savait pourtant de quoi partir et où arriver : Elizabeth rencontre un beau barman à New York, et le retrouve un an plus tard comme si rien n'avait changé. Un point de départ qui aurait pu être intéressant si traité rationnellement, et évacuant toute trace de spectaculaire nauséabond. Entre ces deux extrémités, la jolie brune solitaire déambule grossièrement dans une Amérique de carte postale, travaillant jour et nuit, ne sympathisant réellement avec personne malgré un physique avantageux.
A quoi bon parler de voyage intérieur, d'« exploration de soi », de « spectacle du véritable abîme », lorsque le film ne retranscrit pas une once de psychologie et ne parviens pas à faire exister ses protagonistes dans un décor leur paraissant si étranger.
Une fois de plus, Wong Kar Wai nous offre une vaste mascarade, et s'enfonce davantage dans le marais fétide des fausses œuvres d'art.