La comédie musicale "My fair lady" tire son scénario du spectacle de Broadway "Pygmalion", lui-même adapté de la pièce éponyme de George Bernard Shaw.
Pygmalion est ce personnage mythologique chypriote, sculpteur de son état, misogyne à cause des mœurs dépravées des femmes de Chypre, qui tombe amoureux de sa création, Galatée. Aphrodite, la déesse de l'amour, rendra vivante la statue pour qu'ils puissent vivre ensemble.
C'est d'ailleurs assez amusant de mettre en perspective le mythe et le film de Cukor à propos du personnage de Higgins dont le cinéaste a conservé la misogynie. Dans le film de Cukor, il s'agit aussi de la création d'une femme nouvelle à partir du personnage brut de fonderie d'une vendeuse de fleurs à la sauvette, Eliza, pourvue d'un fort accent cockney. Il s'agit pour le professeur Higgins, distingué linguiste, de transformer l'accent et l'apparence d'Eliza pour en faire quelqu'un qui puisse intégrer la "bonne " société londonienne. Parce que le langage est bien le signe extérieur qui classe ou déclasse quelqu'un. Et Eliza en a bien conscience puisque ce qu'elle veut, c'est juste parler correctement pour pouvoir devenir vendeuse dans un magasin de fleurs.
Mais la scène croustillante du champ de courses montre la fragilité et la limite de l'enseignement du professeur Higgins de ne rester que dans l'apparence et de ne faire qu'un perroquet de son élève. Transformée en (belle) potiche qui n'est autorisée par son mentor qu'à émettre une ou deux phrases "How do you do" et la phrase magique "The rain in Spain stays mainly in the plain", Eliza va vite être submergée par sa nature profonde et revenir à l'état initial en choquant la bonne société, même si c'est dit avec un accent (à peu près) correct.
Le rôle d'Eliza est tenu par la croquante Audrey Hepburn. Au début, dans son rôle de vendeuse de bouquets de violettes, elle me parait un peu surjouer et ne retrouve son naturel qu'à la moitié du film dans la très belle scène où elle parvient enfin à prononcer la phrase fatidique "the rain in Spain …". Là où le choix du cinéaste est contestable c'est qu'Audrey Hepburn est doublée dans les numéros chantés. D'autant qu'on trouve dans le bonus du DVD les mêmes morceaux chantés par Hepburn qui n'ont franchement pas à rougir …
D'ailleurs, ce qui est curieux, c'est que Audrey Hepburn fut préférée à Julie Andrews qui avait avec Rex Harrison la longue expérience du spectacle "Pygmalion" à Broadway.
Justement, parlons de Rex Harrison, acteur que j'aime beaucoup notamment dans ses rôles chez Mankiewicz. Ici, il est extraordinaire de naturel dans son cynisme amusé, son élocution très british et même dans sa misogynie – presque – ordinaire.
Un autre acteur tire son épingle du jeu, c'est Stanley Holloway dans le registre du père d'Eliza plein de truculence et de cynisme, aussi.
La mise en scène du film ainsi que la photographie en technicolor sont de grande qualité.
Pour finir, le film est très long (2 h 45) et possède, à mon avis, quelques petites longueurs parfois. Surtout, la dernière scène dont je ne sais pas si elle est conforme à la pièce de George Bernard Shaw. Elle reste dans la continuité du cynisme du personnage de Higgins (Rex Harrison) ; elle constitue, aujourd'hui surtout, une légère faute de goût