Non, Monsieur Araki - quoiqu'après avoir vu votre "film", je ne pense pas que vous méritiez tant d'égards - l'art n'excuse pas tout.


Il n'excuse pas de filmer complaisamment des viols d'enfants, des visages de gamins en train de se faire tailler des pipes par des vieux dégueulasses.


Il n'excuse pas de tout montrer, gratuitement, sans aucun filtre, sans aucune nuance.
Il n'excuse pas que vous l'utilisiez comme un exutoire, une poubelle à fantasmes indignes d'un être humain.


Il n'excuse pas que vous preniez le spectateur en otage pour lui balancer en pleine tronche vos vieux rêves de viol cruels qui ne cessent jamais dans ce film qui n'est que cela ou quasiment.


A aucun moment, vous ne laissez entendre que vous portez un jugement moral sur les agissements coupables de vos personnages (pire, vous semblez leur porter de l'admiration, ça vous excite, hein, de filmer leur halètements transpirants)


A aucun moment vous ne faites vivre et ressentir le traumatisme de Neil, tout juste quelques regards perdus et moments de bare sex sans précaution mais qui aboutissent toujours à une jouissance insoutenable.


A aucun moment vous ne vous fixez de limites, nécessaires dans ce type de sujet, des limites même subtiles, même douces, jamais.


A aucun moment il n'est de raison qui justifie qu'un personnage fasse mention du "bras [d'un enfant de 8 ans] enfoncé jusqu'au coude dans l'anus de son prof pour 5 dollars". Peut-on savoir ce que ce détail apporte ?


Et qu'on ne vienne pas me dire qu'il s'agit d'un film sur le traumatisme des victimes : le coeur du propos n'est pas du tout là, et Gordon Lewitt fait montre justement d'une désinvolture, d'une nonchalance et d'une légèreté qui ne font en aucun cas penser à un adulte blessé. Alors c'est peut-être sous-entendu, son traumatisme ? Comme est sous-entendu le jugement d'Araki sur toutes les horreurs qu'il montre ? Avouez que c'est un peu facile de dire : "oh mais on le sait que ce n'est pas bien, on se doute bien que c'est un enfant traumatisé". Eh bien non, là, je trouve qu'on ne voit rien et ce vide dans le discours est sans doute le plus grand danger de ce film, cette zone de flottement, cette insupportable ambiguïté dans le regard du réalisateur et qui permet absolument tout.


Et non, ton enrobage final pseudo-mystique en carton ne m'a pas émue ni convaincue une seconde : un pétale de fleur sur un tas de merde ne saurait en dissimuler l'odeur pestilentielle. A la limite, je trouve même le procédé d'une hypocrisie, d'un démagogique absolument dégueulasses : non, tu n'as aucune pitié pour tes personnages, que tu martyrises à qui mieux mieux tout du long, et tu vas nous faire croire que, oh, d'un coup, 5 minutes avant la fin, ce sont deux pauvres petits anges déchus ?


C'est la seule fois de ma vie où j'ai cru que j'allais vraiment vomir en regardant un film, et pourtant, il m'en faut. C'est ce que ce n'était pas seulement l'image qui me révulsait, mais bien derrière, l'intention du réalisateur et son regard qui semble jubiler de montrer tout ça.


Eût été ma décision, Mysterious skin n'aurait jamais vu le jour : il est de ces films dangereux dont, une fois n'est pas coutume, le rétablissement d'une certaine censure aurait été justifié.


[Edit : je désactive les commentaires, non par peur du contrepoint - qui m'a déjà été largement opposé - mais car bien des choses ont déjà été dites et je ne peux pas pas passer ma vie à répondre à tout le monde et à répéter tout ce que j'ai déjà avancé. Et puis, une fois n'est pas coutume, je n'ai aucune envie de revenir sur mon point de vue, donc je vous fais économiser une énergie précieuse. Libre à vous d'aimer ce film, au demeurant. Je n'ai aucune envie d'être évangélisée sur ce qui, pour moi, est et restera un film monstrueux.]

BrunePlatine
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le 14 mars 2016

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