Premier film d’une jeune réalisatrice française, Naissance des Pieuvres est passé un peu inaperçu au moment de sa sortie. Loin de m’imaginer un chef d’œuvre qui saurait me réconcilier avec un cinéma français trop souvent ancré et figé dans des schémas narratifs et formels rébarbatifs, c’est sans conviction que je me suis jeté à l’eau à la rencontre des pieuvres de Céline Sciamma. Et c’est entrant progressivement dans ce petit monde bleuté et aquatique que je me suis laissé enchanter, porter par l’eau. Dès l’ouverture, la cinéaste nous invite à l’immersion. Doucement, sensiblement. Elle nous ouvre la porte de ces refuges d’adolescentes en quête de sensation. C’est ici que Marie, jeune fille dont le visage ne trahit pas l’innocence, va commencer à se sentir femme, goûter à l’attirance, voir naître les premières pulsions. Électrisée par la blonde sirène interprétée par Adèle Haenel, elle se voit dériver vers de nouveaux horizons, de nouveaux sentiments. Céline Sciamma met ainsi en scène cet éveil sensoriel avec une certaine maîtrise et un goût affirmé de l’esthétique. Elle joue beaucoup sur les couleurs et le choix de la bande originale est particulièrement convaincant. Et si tout semble inviter à la douceur, Marie aura aussi l’occasion de connaître l’envers du beau décor à travers les expériences contées par Floriane. L’adolescence est filmée là sous toutes ses coutures et ses contradictions. C’est à ces oscillations permanentes entre amour et désamour, entre découverte et déception, que cette jeunesse est confrontée. La réalisatrice joue du contraste, le personnifie, met en lumière les sensations, fait le point sur les angoisses. De manière parfois troublante mais poétique et en se reposant sur les performances de jeunes actrices qui n’ont pas à rougir de leurs prestations. De gestes en gestes, les émotions voguent dans cette bluette séduisante jusqu’à une scène finale sublime qui se passe bien de toute morale. L’occasion de constater, qu’une fois de plus, c’est quand on en attend le moins qu’on en prend plein la gueule. On appelle ça une belle surprise. C'est un très beau film français sans aucune conformité. Doux et magique comme une première fois. La musique, la mise en scène, l'ambiance, les couleurs, le rythme. C’est presque bête à dire mais tout y est beau. Un bon film, contemplatif et métaphorique, d’une jeune cinéaste talentueuse qui porte un regard intéressant, mais qui manque parfois un peu de fond. Mais pour sa première œuvre, il serait dur de bouder notre plaisir et de lui jeter la pierre d‘autant plus qu‘elle a eu la bonne idée de savoir faire court.
Vino
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le 3 mai 2014

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