Avec Niagara, Henry Hathaway s’attaque au film à suspense Hitchcockien. En habile faiseur, il sait composer avec les éléments naturels dont il dispose. Les magnifiques paysages des fameuses chutes sont mises en image dans un technicolor de toute beauté. La présence minérale de la reine de beauté, Marilyn Monroe dans un rôle toute en ambigüité, provocatrice, femme-fatale donne au film une sorte d’aura quasi fantastique tant elle semble apparaître comme une sorte d’icône transversale à ce monstre naturel tentant de happer les personnages que sont les chutes.
Au-delà de l’aspect plastique très esthétisant, le film confronte deux créatures de beauté aux confins du réel dans une sorte d’univers épuré, l’Amérique idyllique du boom économique et de la joie de vivre. La femme-fatale trouve son opposé physique dans un premier temps, elle est brune, en la personne de Jean Peters, l’épouse modèle au regard affûté qui nous sert de guide morale. Joseph Cotten vient apporter de la gravité dans ce rôle de mari dupé par une épouse volage qui tente de l’éliminer. Dès lors il apparaîtra comme une bête traquée, victime ostentatoire d'une femme trop inaccessible.
L’aspect Hitchcockien tiendrait à cette aspect viscéral de la confrontation du commun des mortels à l’univers du crime et ce simulacre de rationalité bascule rapidement dans l’étrange avec ce bruit sourd permanent de l’eau des chutes qui finiront par emporter certaines illusions dans ces trombes de fatalité.
Porté par un esthétisme visuel à la pointe, un technicolor qui exagère avec ravissement les couleurs et donne à ce film ses contrastes de nuance qui lui donne son aspect film-noir. Artisan du bon cinéma américain, Henry Hathaway n’en oublie jamais d’affûter sa mise en scène avec ces jeux de contraste qui élève souvent son œuvre à autre chose que le simple artisanat auquel certains on voulu l’affubler. Même si les ficelles sont souvent un peu voyantes, Niagara est un film porté par la beauté pictural et la beauté érotique d’une Marilyn électrisante.