Critique rédigée en avril 2020
Un jeune agent immobilier du nom de Hutter se voit partir en Transylvanie pour se charger du déménagement du compte d'Orlock, vivant dans une lugubre forteresse ambitionnant de se rapprocher du milieu urbain. Au sein d'un paysage allemand dans lequel s'opposent nature et civilisation, l'attirance de cet homme d'expérience pour la compagne de Hutter amorce l'intenable propagation d'un fléau qui s'étendra dans le milieu...
Première adaptation officielle (bien qu'elle n'ait pas été approuvée d'office comme telle) de Dracula, et source multiples ré-investigations du mythe fondateur, Nosferatu le vampire est une des premières pierres angulaires des oeuvres fortement déconcertantes mais en tout point, remarquables.
Produit tout droit issu de l'an 1922, il inclura le cercle restreint des films de genre expressionniste, aux côtés des Robert Wiene et Fritz Lang sortis cette même décennie. Au-delà des célèbres jeu d'ombres (visibles à vue d'oeil grâce à l'affiche), géométriques et opaques, nous est servi une formelle grammaire filmique en nous dressant le portrait au vitriol d'un cas actuel de la vie commune, en l'occurrence mise à rude épreuve suite au désir du comte Orlok de se rapprocher de la ville. Par le biais d'un jeu d'acteurs très théâtral, misant beaucoup sur l'effet que provoque les maquillages et souvent quelque peu en marge de la grammaire classique du muet, nous nous frottons à de longues scènes fortes à chacune de faire progresser non seulement notre proximité avec la créature, mais en avec l'épouvante dont le film est précurseur.
Le montage alterné offre différents points de vue narratifs, dont l'homogénéité des péripéties alliant met et campagne en passant par la sinistre demeure du vieux compte, admirablement illuminée par le film dans sa version restaurée. Murnau ne détrousse pas la société avec le dos de la cuillère en pointant du doigt l'horreur en tant que telle dans sa diffusion ; la nature est corrompue par les laissés-pour-compte...
L'analogie entre les rats et les vampires, est clairement distincte tout le long.
Le cinéaste se sert de l'allégorie visuelle de la peste pour montrer en nous l'angoisse et les méfaits du désir. Ajoutons à la version restaurée, en couleurs, la présence de mélodies stridentes, notre principal vecteur d'angoisse fonctionnant à merveille et compensant certaines séquences perdant en peps et limite confuses.
Nosferatu, à l'instar du style Murnau dans son ensemble, se distingue par ses grandes images décortiquant l'Homme dans tous ses états (mieux que n'importe quel autre cinéaste expressionniste) et plus particulièrement, par ses très nombreux ressorts scénaristiques floutés par le nombre de dialogues au ras des pâquerettes.
Ce n'est pas Le Dernier des hommes (1924) qui contredira cette conclusion... Affaire à suivre.