Pour ma première (et de mémoire, seule) incursion dans le cinéma muet depuis le lointain visionnage de quelques Chaplin, je pense que j'aurais pu tomber plus mal.
Il faut dire qu'il y avait des gardes-fous.
Rôliste devant l'éternel, j'aime beaucoup l'imaginaire du Vampire, et Nosferatu est un nom qui ne m'est pas inconnu loin de là, via une pratique du jeu "Vampire: la Mascarade". Nous étions donc, sinon en terrain connu, en tout cas pas complètement inconnu.

Immédiatement ce qui frappe, ce sont des choix visuels forts et assumés.
Il est bien sûr vain ici de s'attarder sur l'aspect technique, tant on parle presque d'un art différent entre le cinéma d'hier et celui d'aujourd'hui.
Je me bornerai donc à admirer le travail soigné apporté à la lumière, voire davantage que je ne le ferais sur un film récent.
D'une part parce que, justement, les moyens de l'époque ne permettaient pas une grande liberté, d'autre part parce que les défauts d'éclairage ressortent toujours bien plus nettement en noir et blanc.

Ici, à de rares exceptions près, l'ambiance des scènes permet une immersion totale dans l'action, mettent en exergue les expressions faciales exagérées des acteurs, typiques, et les passages à forte intensité émotionnelle.
Ceci est encore accentué par la musique qui, si elle est la plupart du temps bienvenue, aurait bénéficié à mon sens de silences plus appuyés à certains moments particulièrement dramatiques, au lieu de nous assourdir et nous déconcentrer.

J'ai vu la version longue d'1h30 dont, si j'ai bien compris, la seule particularité est de défiler plus lentement (une fois et demie plus lentement en fait).
À aucun moment je n'ai regardé ma montre, signe que cela ne fait à mon avis que servir le propos et le choix narratif, très porté sur le non-dit, la suggestion et le descriptif.
En outre, cette version "colorisée" offre des plans merveilleux, notamment la scène mémorable de la plage qui, et je le dis depuis la semi-torpeur dûe au visionnage tardif, plonge instantanément dans une espèce de transe, les yeux écarquillés par l'esthétisme exacerbé.

Nosferatu n'est pas effrayant, mais il est sans conteste angoissant, crescendo qui nous emmène vers un dénouement tragique bien plus audacieux que n'importe quel film récent.
Le ton est désabusé, parfois presque fataliste, et entretient avec brio un malaise impalpable tout le long du visionnage.
C'est impressionnant de maîtrise et de subtilité.

Une oeuvre puissante et fascinante, à regarder dans un certain cadre de préférence (de nuit et seul, par exemple).
SeigneurAo
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de vampires et Mon Festival Lumière 2014

Créée

le 25 août 2011

Critique lue 718 fois

21 j'aime

SeigneurAo

Écrit par

Critique lue 718 fois

21

D'autres avis sur Nosferatu le vampire

Nosferatu le vampire
Sergent_Pepper
8

Angoisse, désir et projections.

Film d’une ampleur et d’une ambition impressionnantes pour l’époque, Nosferatu est un régal visuel. Plongée, contre-plongée, jeu d’ombres, toute la grammaire du film est ici mise en place. Dans un...

le 13 sept. 2013

65 j'aime

4

Nosferatu le vampire
fabtx
9

Pour tous les mordus de cinéma...

En ces temps troublés pour nos amis suceurs de sang, où l'essence-même de cette admirable et effrayante créature est aspirée jusqu'à la moelle par des Draculas du dimanche et autres Robert Pattinson,...

le 26 juil. 2011

58 j'aime

8

Nosferatu le vampire
I-Reverend
10

Interview mit einem Vampir

"Oh comme il m'aurait plu d'avoir mon mot à dire à l'époque ! Mais j'admets que les images sont suffisamment éloquentes, le clair et l'obscur se livrent à une danse silencieuse dont les motifs m'ont...

le 23 juil. 2014

44 j'aime

17

Du même critique

Your Name.
SeigneurAo
10

10 minutes : allez, encore 1h35 à supporter. 1h45 : mais... qu'est-ce qu'il vient de se passer ?

Il est des séances qui tombent à pic. Voici quelques jours, je devais expliquer en long, en large et en travers pourquoi, non, je n'avais pas aimé le merveilleux Arrival du non moins fantastique...

le 19 déc. 2016

197 j'aime

50

Léon
SeigneurAo
10

OK

Luc Besson de nos jours, c'est quasi-exclusivement Europa Corp, société quasi-caritative qui donne de l'argent pour que des films de daube puissent finir la lobotomie entamée par TF1 sur nos chères...

le 26 oct. 2010

174 j'aime

14

Mr. Robot
SeigneurAo
5

Mr Grosses Bottes bien boueuses et bien lourdes (avec spoilers)

Vous pouvez vous épargner Mr Robot. Et aussi cette critique si vous souhaitez persister, car elle est plombée de spoils. Regardez Fight Club (évidemment, tout le monde l'a déjà dit), Dexter,...

le 24 sept. 2015

133 j'aime

80