Il me paraît difficile de détester "Nous trois ou rien", le premier film de Kheiron, ancien du Jamel Comedy Club et acolyte de Kyan Khojandi dans la série "Bref".
Les bons sentiments ne font pas les bons films, c'est entendu, mais le vibrant hommage rendu par un fils au parcours de son propre père dégage le souffle et l'émotion des histoire vraies.
On suit en effet l'itinéraire semé d'embûches de Hibat Tabib, étudiant en droit et opposant iranien au régime du Shah dans les années 70, puis à celui de l'ayatollah Khomeini. Hibat (interprété par Kheiron lui-même) se retrouve emprisonné, battu, torturé, avant de rencontrer à sa libération la charmante Fereshteh (Leïla Bekhti, lumineuse).
Les deux jeunes époux militent ensemble pour la démocratie mais face à la répression, sont contraints de fuir leur pays en 1984. C'est alors l'exil pour la France en compagnie de leur très jeune fils Noochi, puis leur arrivée en Seine-Saint-Denis, où ils vont s'impliquent fortement dans la vie associative locale.
Kheiron signe donc un joli film, utilisant la tendresse et l'humour pour désamorcer la violence et les souffrances endurées en prison, notamment, ce qui confère à "Nous trois ou rien" un ton très particulier, déconcertant parfois mais courageux, dans le sens où les aspects les plus tragiques ne sont pas éludés.
Pourtant, le ton du film est bien celui de la comédie, comme on le vérifie lors d'une seconde partie en France volontairement très optimiste, où Kheiron souhaite mettre en valeur des exemples d'intégration réussies et montrer que le vivre ensemble n'est pas un simple concept, quitte à tomber dans les clichés et dans un angélisme quelque peu agaçant.
Cela dit, par les temps qui courent, on peut comprendre la volonté de l'humoriste franco-iranien de célébrer les valeurs de multi-culturalisme et de montrer l'immigration en tant que ressource à part entière de notre beau pays.
Parmi les maladresses inhérentes à un premier film, on relèvera également la trop grande ambition de Kheiron, qui soucieux de coller à la réalité et de n'oublier personne, choisit de multiplier les personnages (onze frères et sœurs tout de même!), au point de perdre le spectateur parmi tous ces patronymes à consonance persane.
Quoi qu'il en soit, même si l'humour un peu naïf et redondant ne fonctionne pas toujours, Kheiron signe une œuvre attachante et singulière, qui dénote dans le paysage formaté de la comédie française grand public. Entre nouvelles têtes et comédiens reconnus (Gérard Darmon est formidable), la distribution est globalement convaincante, et on passe un joli moment en compagnie de cette famille hors du commun, dont on voit défiler les véritables photos lors d'un générique final émouvant.