Joachim Trier réalise ici son premier long-métrage. Autant dire qu'il y a le risque du jeune ayant enfin sa chance et voulant prouver qu'il est capable de faire trop plein de choses. Ouais, il sait inventer des pensées délirantes de destin dans l'esprit de ses personnages, à la manière Amélie Poulain. Ouais, il sait trop bien faire le montage parallèle. Il kiffe nous balancer des successions d'images dynamiques qui feraient passer les épisodes de la série Bref pour des extraits d'un Béla Tarr.
Ben ouais, c'est bien, tant mieux, il maîtrise la technique, le montage, tout ça... mais les personnages et l'histoire, bordel ?
La bande de potes des deux protagonistes, elle sert à quoi si c'est pour juste la montrer sporadiquement, en prenant très rarement le temps d'en approfondir les membres. On voit à peine la petite amie du personnage principal se faisant refuser la publication de son premier livre tellement elle est foutue tout à l'arrière-plan. Les relations avec les mères, je n'en parle même pas, alors que nos deux ambitieux vivent toujours chez elles. Le destin de ces derniers, justement, l'un se battant contre la dépression, l'autre contre un talent d'auteur pas encore à la hauteur n'est raconté que par un enchaînement d'à-coups, sans fluidité narrative. Si le rythme reste bon, c'est uniquement grâce au montage. Mais il n'est jamais en harmonie avec une histoire efficacement racontée et des personnages subtilement approfondis tout du long.
Et c'est put... de dommage parce que quand le réalisateur pense enfin qu'il y a des personnages et un récit à retranscrire par l'image, quand il montre une soirée où les potes se laissent aller à la joie, quand il montre l'un des deux protagonistes fan d'un écrivain reclus se faisant prendre en photo avec son idole, sans que celui-ci le remarque, lorsqu'il promène son chien dans le parc, quand il montre la petite amie du dépressif souffrir du mal-être de son mec, mais rester avec lui tout simplement parce qu'elle l'aime, c'est beau, c'est émouvant. Tout le reste aurait été à la hauteur de ces scènes touchantes et réussies, Trier aurait réussi à donner, dès son premier long, un très bon film. Ce sont ces scènes qui sont épatantes (bien servies, en plus, par des acteurs et des actrices de talent !) et non pas les trucs à la Amélie Poulain, le montage parallèle, etc.
La technique doit être au service d'une histoire, des personnages, d'un ou plusieurs propos (si l'histoire et les personnages sont négligés, c'est foutu pour le ou les propos, c'est comme des dominos !) et pas à celui de l'esbroufe "je me la pète, car je suis un jeune réalisateur qui veut tout prouver".
C'est juste moyen et c'est d'autant plus rageant que le potentiel pouvait donner largement quelque chose de bien meilleur.