Plutôt attiré par le projet, je gardais toutefois en tête la dimension très politiquement douteuse du précédent film de Cédric Jimenez, « Bac Nord », même s'il y avait a priori moins de risques que ce soit le cas cette fois. Une bande-annonce réussie et un casting imposant ont fini par me convaincre d'y aller, tout en restant légèrement sur la défensive. Pourtant, la relative déception n'est pas vraiment venu d'où je craignais. Le réalisateur de « La French » a visiblement retenu la leçon des polémiques antérieures pour livrer une œuvre souvent factuelle, réaliste, tendue au bons sens du terme, sans chercher à hystériser ou à provoquer un quelconque débat, la présence de plusieurs acteurs issus des minorités parmi les forces de police n'étant clairement pas anodins.
Nous sommes presque tout de suite au cœur des événements, Jimenez privilégiant toutefois le hors-champ pour les attentats, préférant se focaliser exclusivement sur l'enquête et la traque des terroristes. L'occasion de nous rappeler, si besoin était, à quel point ces sinistres individus sont parmi nous, parfois juste à côté, si « intégrés » qu'il est souvent impossible de se douter de quoi que ce soit. Dommage que l'enquête soit parfois un peu confuse, brouillant le lien d'une étape à l'autre, d'un contact à l'autre, tout en comprenant les grandes lignes. Je regrette également ce côté assez froid, presque distancié, à l'image de personnages restant plus des silhouettes que de réelles incarnations, à l'image d'une Sandrine Kiberlain dont on se demande vraiment pourquoi elle a accepté ce rôle. Ce n'est pas trop embêtant pour les seconds couteaux, plus pour un Jérémie Rénier ou même Jean Dujardin, n'ayant pas grand-chose à défendre. Ressortent alors Anaïs Demoustier et Lyna Khoudri, clairement les protagonistes les plus complexes et donc les plus intéressantes, livrant toutes deux de belles performances.
Enfin, et même si cela est donc beaucoup plus discret que dans son précédent film, je n'ai pu m'empêcher d'entrevoir des petits moments « droitisants » : un court passage BFM par ci, un foulard islamique n'existant pas chez la « vraie » personne par là (clairement le choix qui m'interroge le plus), quelques mots prononcés en passant : rien de suffisamment concret ou gênant pour peser ou choquer, mais distillant un léger doute sur les intentions du réalisateur, comme s'il s'excusait de l'absence (presque, donc) totale de politique dans son propos. Maintenant, on sent que l'œuvre a été réfléchie : solide, cohérente, elle apparaît constamment crédible, aussi bien dans les interrogatoires que dans les différentes filatures, tout en gardant une vraie dimension cinématographique, Cédric Jimenez ayant un évident sens de la mise en scène, notamment lors d'un final percutant, sous haute tension. Sans doute moins puissant que « Bac Nord » mais autrement plus fréquentable sur le fond, « Novembre » a les épaules pour le grand écran et est plutôt à voir, à défaut de susciter l'enthousiasme espéré.