Cedric Jimenez est un cas compliqué. Son précédent film, "bac nord", bien qu'ayant reçu un accueil critique plutôt positif avait donné lieu à une petit polémique sur la représentation des banlieues et de la police (surtout dans un contexte ou cette dernière n'avait pas nécessairement bonne presse). De manière général, le réalisateur était accusé de montrer les forces de l'ordre
comme des héros désabusés face à des délinquants de quartiers.
Dans ce contexte, autant dire que l'annonce d'un film traitant des attentats du 13 novembre avait de quoi laisser sceptique, voir inquiéter. Surtout que, pas de chance, le film sort en plein
pendant l'affaire Lola, en pleine période de tension autour de la question de l'immigration et de la récupération politique de ces évènements par l’extrême droite.
Sans compter que les attentats ne sont pas si vieux et que les traumatismes des évènements restent encore bien ancrés dans l'inconscient collectif. Comment mettre en scène des évènements aussi marquants et difficiles sans tomber dans le mauvais gout ? Enfin bref, je suis allé voir ce film en étant intrigué mais surtout perplexe.
Mais au final, ça donne quoi ? Bah c'est mitigé. Le premier élément marquant c'est que Jimenez prend d'énormes pincettes dans le traitement des attentats en eux mêmes. Ces derniers ne sont pas montrés (heureusement) et sont vécus uniquement du point de vue des services de sécurités. On voit de l'agitation, de la panique, de l'incompréhension, mais uniquement d'un point de vue de gestion de crise, le tout dans une scène d'à peine 5 minutes qui arrive dès le début du film. Si je pense que c'est une bonne idée de prendre cette distance, je pense que le film aurait gagné à commencer directement après les attentats, dans cette scène ou le personnage de Dujardin présente la situation à ses équipes. Non seulement il aurait gagné en fluidité, mais surtout cela aurait permis de commencer directement dans l'action, de poser un rythme sans temps mort et de s'éviter cette première scène à Athène qui détonne complètement avec le reste du long métrage.
Ensuite, oui, Jimenez oblige, je pense que le traitement des forces de l'ordre ne va pas faire l’unanimité. Encore une fois, les personnages sont montrés comme des héros, des héros qui ont leurs failles certes, mais des héros quand même. A aucun moment le film ne cherche à remettre en cause la moralité de ses personnages. Il y a bien cette scène ou le personnage de Dujardin perd patience et devient violent sur un des suspect, mais elle est expédiée si rapidement qu'elle n'a pas de réel impact. Le seul élément qui va dans ce sens est le traitement de cette femme ayant hébergée les terroristes et qui décide d'aider les forces de l'ordre. C'est d'ailleurs un élément qui avait fait polémique à l'époque : que fait-on de ces complices repenties qui aident la police ? Mais encore une fois, je trouve cet élément trop survolé. Le personnage d'Anaïs Demoustier est là pour représenter les remords des professionnels sur cette affaire, mais ces derniers n'apparaissent qu'à la fin et sont finalement résolus hors champs dans un résumé textuelle. C'est tellement dommage.
Alors attention, je ne dis pas que le film aurait du présenter ses personnages comme des personnes immorales et horribles, mais qu'il aurait gagné à être plus ambigüe. On ne voit que trop peu leur colère, leurs moments de faiblesses. Ce manque est encore plus voyant lorsque on met le film en parallèle avec un autre métrage ayant une structure quasi identique : Zero Dark Thirty. Ce dernier (que je vous conseil fortement) retrace la traque de Bin Laden par les services de sécurité américains après les attentas du 11 septembre. Le postulat est donc globalement le même : la traque d'un réseau terroriste marqué par les traumatismes d'un attentat. La structure est également la même : on suit l'enquête du point de vue d'un personnage qui trouve une piste risquée, menant à un raide des forces spéciales à la fin du film.
Sauf que Zero Dark Thirty est beaucoup (beaucoup) plus subtile et bien mit en scène (à noter qu'il est réalisé par une femme, Kathryn Bigelow, ce qui explique en grande partie qu'il ne tombe dans la propagande militariste dont les américains raffolent tant). L'armée américaine est montrée comme une entité à la morale douteuse (le film avait été critiqué à l'époque pour avoir montré que les États-Unis avaient utilisé la torture), les névroses de son personnage principal (interprété par Jessica Chastain) sont clairement visibles et la scène finale du raid sur la maison de Bin Laden est terriblement efficace dans sa mise en scène. Pas de musique, une utilisation très maligne des caméras infrarouges, un mixage sonore incroyable, une tension palpable et surtout : une violence venant des soldats qui questionnent la moralité même du spectateur. Quand on compare cette scène à celle de Novembre, cette dernière parait vraiment brouillonne (il faut vraiment que les réals arrêtent de secouer leur caméra dans tous les sens pour créer de la tension, si c'est pas lisible ça donne juste mal à la tête) et surtout sans prise de risque (pourquoi mettre de la musique dans le climax ??? ça gâche toute l’immersion et la tension !).
En fait, le film est très scolaire. C'est un peu le problème récurent des biopiques et films tirés de faits réels : par peur de dénaturer la réalité, les réalisateurs optent pour une mise en scène sans véritable identité, ce qui donne des films qui se contentent de retracer les faits comme le ferait un article de journal. Alors ce n'est pas totalement le cas ici, certaines scènes sont plutôt efficaces (je pense à ces scènes de filature qui arrivent à créer une réelle tension tout en étant imaginatives) voir émouvantes, mais rien ne sort réellement du lot.
Le pire c'est que j'ai bien aimé le film, même si ça ne transparait pas forcément dans cette critique. Je suis juste déçu qu'il ne soit pas plus qu'un simple film sympa. Il y avait tellement à dire et à faire avec ce sujet. En attendant, je vous conseil surtout de voir Zero Dark Thirty, qui est pour moi une version bien plus travaillée de novembre.