Je sais, c'est pas d'mon âge
Quinze ans déjà que Xilam sévit. On se rappelle tous Candy, l'alien vert en pagne, passant l'aspirateur en se trémoussant sur une chanson d'Iggy Pop. On se rappelle un peu moins la suite, l'époque post-Zinzins où le studio, parti dans la sous-traitance tous azimuts, peinera à maintenir son style original même si son succès restera intact auprès des jeunes. Depuis les années 2000, il y a donc eu des réussites mythiques (les premières saisons des Zinzins de l'espace, l'adaptation en jeu vidéo Stupid Invaders qui est peut-être même l'œuvre maîtresse de Xilam), des potables (Tous à l'Ouest) et des échecs (Kaena, ce film en images de synthèse chapeauté par les créateurs du jeu vidéo Heart of Darkness). Oggy et les cafards, la série, se situe simultanément sur tous les échelons : très drôle, mais aussi légèrement dénué de personnalité, la plupart des épisodes étant désormais produits hors du périmètre original de Xilam. Les anciens vous le diront, on reconnaît d'ailleurs les nouveaux épisodes à leur trait moins fin, à leur humour plus consensuel abandonnant doucement l'aspect trash et irrévérencieux de la saison pilote pour revenir à un divertissement plus enfantin. Oggy et les cafards : Le Film en est là lui aussi.
D'abord, il ne s'agit pas d'un film, mais d'une succession de trois épisodes de vingt-cinq minutes chacun. L'idée est de montrer le combat perpétuel d'Oggy contre les blattides à travers le temps : à la préhistoire, au Moyen-Age puis au début du vingtième siècle. Ces trois épisodes sont très scénarisés, mais comme dans la série ils sont muets, tout au plus narrés à coups de borborygmes ou de bulles de BD apparaissant au-dessus de la tête des personnages. On retrouve donc très vite ses marques, et le "film" a le bon goût de proposer un trait nettement plus raffiné que la série, plus particulièrement au niveau des décors qui mêlent adroitement 2D et 3D pour un résultat à la fois mignon et envoûtant. Le début est efficace, dans l'esprit de la série tout en proposant suffisamment d'idées pour proposer quelque chose de neuf (l'époque de la préhistoire est bien employée), et les gags visuels et sonores pullulent. Le problème, c'est que l'exercice s'essouffle assez vite : d'une part parce que le rythme de l'humour n'est pas conservé, d'autre part parce que les trois parties, qui fonctionnent totalement indépendamment, sont de plus en plus construites sur une narration prévisible et ennuyeuse, même pour des enfants (dans la salle, les marmots ne tenaient plus en place après quarante minutes).
Les dernières minutes sont en images de synthèse, comme pour réveiller le spectateur endormi par la routine d'historiettes casse-pieds et sans imagination. Olivier Jean-Marie, comme on pouvait le craindre, est pour l'essentiel du film en pilote automatique ; à l'image du Xilam contemporain, il semble déléguer sans vraiment chercher à se fatiguer. Le film repose sur les mêmes gags, des mimiques toujours semblables qu'un certain sens du timing permet de faire fonctionner à peu près. Certaines séquences sont vraiment réussies, surtout au début ; plus tard, c'est la crânerie technique qui prend le pas, choix qui se tient à peu près (le film n'est clairement pas dénué d'un certain style). En définitive, cet Oggy semble avoir été calibré pour un jeune public mais n'atteindra celui-ci qu'occasionnellement, la faute à une structure répétitive et un scénario casse-pieds. Les vieux de la vieille, eux, ceux qui sont techniquement trop vieux pour aller voir un tel film, pourront malgré tout rire à quelques reprises sans en avoir honte, même si on aurait aimé que cela arrive davantage. Fait amusant : le générique de fin crédite une large majorité de N'Guyen, ceux qui cherchaient à retrouver dans cet Oggy l'artisanat "french touch" des débuts de Xilam en seront pour leurs frais. Ceux-là comme les adeptes de l'humour des origines mettront toutes leurs billes sur le prochain "Stupid Invaders" qui, s'il est au niveau du jeu vidéo dont il reprend le titre, pourrait bien être grandiose...