Il y a un truc qui m'amuse beaucoup sur SC, que j'avais, d'ailleurs, déjà découvert (et apprécié) avec les critiques contradictoires de diverses revues dont Télérama. Si je veux savoir si je "peux" être intéressé par un film ou un bouquin, le mieux c'est d'en lire une critique négative. Eh bien, ça se vérifie encore ici avec ce film Oppenheimer … que j'ai bien apprécié même si certains points m'ont laissé indifférent voire même dubitatif.
Et je vais essayer de bâtir cette critique à travers différents aspects.
D'abord il y a le fond de l'histoire de cet Oppenheimer que je connaissais sans connaître vraiment. Le film permet de préciser un peu les choses. Sa jeunesse étudiante à Cambridge puis surtout à Göttingen où il rencontre la fine fleur de la mécanique quantique, Niels Bohr, Heisenberg et d'autres que j'ai découverts dans le film. Je savais bien entendu que ce domaine avait été initié par Boltzman puis Max Planck et Einstein. En bref, une branche de la physique complètement dominée par les allemands au début du XXème.
Pour le fun, j'ai juste été très, très déçu par l'absence de mon "ami" Shrödinger qui n'est même pas évoqué dans le film ! Ce brave homme avait beaucoup œuvré en mécanique quantique dans l'entre-deux guerres jusqu'à produire sa fameuse "équation de Shrödinger" qui se révèle être un beau casse-tête pour un grand nombre d'étudiants, à mon époque et encore aujourd'hui … Mais, vérification faite, ce physicien autrichien n'a jamais dû avoir l'occasion de croiser la route d'Oppenheimer …
Le deuxième centre d'intérêt du film est la mise au point de la bombe atomique à travers le projet Manhattan à Los Alamos où Nolan nous montre de façon assez efficace les enjeux de l'époque. En particulier le transfert de la connaissance scientifique de l'Allemagne vers les USA. Un point, qui m'avait toujours intrigué, est de comprendre pourquoi l'Allemagne nazie qui possédait la connaissance s'est fait doubler (heureusement car où serions-nous aujourd'hui ?) par les américains. En effet, toute la force de frappe scientifique allemande avait fui et il ne restait plus qu'Heisenberg en Allemagne … Alors, bien sûr …
Le troisième centre d'intérêt du film, c'est le succès du programme de recherche suivi très rapidement des affres d'Oppenheimer sur les conséquences de l'invention. Effectivement, la question que pose – très bien - le film est bien le problème de la responsabilité du scientifique à travers ce qu'il découvre, ce qu'on en fait en termes de progrès pour l'humanité ou ici en termes de pouvoir de destruction. La découverte scientifique en termes de progrès est déjà une vraie et ardue question sur la pérennité, sur les conséquences pas forcément visibles immédiatement. Alors quand la découverte conduit à la mort immédiate de beaucoup de gens, la responsabilité doit devenir écrasante.
Nolan traite cette question de façon magistrale en particulier dans la scène de l'entrevue de Truman et Oppenheimer où ce dernier lui confie qu'il a ses mains recouvertes de sang, aboutissant à un dialogue de sourds et au mépris de Truman.
Un dernier centre d'intérêt – que j'ai découvert – c'est la descente aux enfers d'Oppenheimer à cause, cette fois, des politiciens en pleine période du McCarthisme et de la chasse aux sorcières. Entre les "collègues" malveillants qui en profitent pour dégommer celui qui eut un succès indéniable et les politiciens qui ont besoin de victimes expiatoires, on est alors très loin de la science et du problème des découvertes. Notre Oppenheimer devient alors un paria politique parce que finalement pas préparé à ces joutes verbales où on ne cherche que le mot de trop pour en définir une "vraie" vérité "vraie".
Mais comme dans notre monde, rien n'est jamais parfait, le film de Nolan a aussi ses côtés que je goûte moins.
La première c'est la construction non linéaire du film où les diverses périodes ou étapes de la vie d'Oppenheimer sont savamment mélangées avec des alternances de couleur ou noir et blanc. Là, ça va car, j'ai visionné le film en DVD et quand je ne panais rien, je faisais un "adroit" retour avec ma télécommande pour reprendre le fil. Mais au cinéma, ça n'est guère possible. Personnellement, c'est exactement le genre de film qui au cinéma m'agace prodigieusement. Surtout qu'ici, il y a une floppée de personnages et ça peut vite virer au casse-tête ou au désintérêt.
Ensuite, il y a la mise en scène qui, pour le peu que je connaisse du cinéaste (Interstellar, Dunkerque), semble habituelle. Je n'accroche pas toujours à sa façon de faire. Parfois trop démonstrative comme l'interrogatoire où Oppenheimer est nu, non pas réellement mais parce qu'il est "à poil" subjectivement. Ou encore les démonstrations un peu lourdes des explosions atomiques au moment du procès des fois que le spectateur ait oublié qu'Oppenheimer était "le père" de la bombe.
Et je ne parle pas de la musique dont les effets tonitruants ne me semblent pas toujours pertinents. À l'exception du compte à rebours de l'essai "Trinity" où la musique – pour une fois discrète - est d'une rare efficacité.
Pour finir, c'est un film que j'ai bien apprécié, dont le fond me parait très solide et dont la forme me parait assez inutilement compliquée.
Quant au casting dont je ne connais pas grand-monde, il faut saluer l'effort du cinéaste d'avoir trouvé des acteurs très ressemblants avec les personnes réelles