Critique rédigée en août 2017
2013, votre humble narrateur, alors âgé de 12 ans (OUI 12 ANS), qualifié depuis peu comme étant assez grand pour pouvoir visionner des films d'horreur, décide d'insérer la VHS du chef d'oeuvre de Stanley Kubrick dans le magnétoscope entre deux DVD de Saw...
Un écran rouge sur lequel le crédit du film apparait, puis précédant un espace futuriste inquiétant, le personnage principal : ALEX DELARGE. ALEX PUTAIN !!!!!!! Au commencement, le monologue du personnage. 2 minutes d'appréhension sur une perle minimaliste et inquiétante composée par Wendy Carlos. Et dire que Kubrick ne fut même pas satisfait de la musique du film, quelle erreur ! Ce synthé, reprenant de fameux airs classiques pour les rendre contemporains, tout est là pour installer en douceur une ambiance froide et d'attente de quelque chose. Le casting d'inconnus présenté, le travelling du vaste et mystérieux Korova Milkbar laisse place à un cadre spatio-temporel plus sombre et plus usé que notre monde d'aujourd'hui. Par conséquent plus fascinant...
La caméra nous entraîne alors pour plusieurs séquences dans une déambulation de démonstrations des différentes activités de notre héros, garçon sadique, sans scrupule et brutal passionné par l'Ultra-violence, et de ses trois meilleurs amis (droogs comme il les appelle) dans un Londres futuriste du XXIème siècle... pas si rapidement que ça, vu que le film prend largement son temps, et tant mieux, car c'est bien pour faire durer le ressenti du spectateur.
La scène du viol de Mrs. Alexander, cette situation ayant suscité maintes et maintes controverses, est l'une des celles qui ont le plus contribué à pouvoir exprimer la violence au cinéma.
Cependant, le film connu une censure durant une vingtaine d'années, comme quoi le film forcerait ses spectateurs à imiter les antagonistes... Des gens qui n'ont rien compris au vrai sens du film.
L'air de rien, le film a beau être adapté de l'oeuvre romanesque de l'anglais Anthony Burgess, nous ne pouvons tirer la même morale des deux supports:
le roman montre qu'on ne peut changer l'Homme (puisqu'après avoir été hospitalisé, il redevient comme au début de l'histoire) tandis que le film montre qu'un Homme doit se rendre compte lui-même de ses erreurs, en dénonçant ainsi le gouvernement totalitaire.
Ce film, j'ai beau l'avoir vu bon nombre de fois, jamais je n'ai réussi à m'ennuyer durant la seconde partie, alors qu'il ne se passe pourtant pas grand chose. Ces scènes de dialogues lents et poseurs, cette musique minimaliste qui accompagne sans jamais dominer, cette dystopie fourmillant de détails exploitant tout le talent de Stanley Kubrick, l'esthétique torturée et cauchemardesque londonien, cela fait déjà un paquet d'éléments remarquables. Cette première partie nous ouvre la porte de la plus mauvaise passion Humaine traitée sur le personnage d'Alex, cette passion brusquement rompue
par la justice qui l'a rattrapé, qui laissera place au début d'un long cauchemar pour Alex... Car le film devient maintenant un drame psychologique dans lequel toutes ses victimes s'amuseront chacun leur tour de la faiblesse du personnage dominante depuis le traitement Ludovico. Et ce sont de grandioses scènes de suspense qui s'ensuivent. Trahi par deux de ses anciens amis devenus policiers (ce qui n'empêche pas leur volonté à le torturer à son tour, encore une fois une critique du gouvernement cette fois sur la police), notre Alex se réfugie dans une demeure qui lui est familière: celle de l'écrivain Mr. Alexander. Celui-ci le reconnait petit à petit et nous fait part du décès de sa femme, violentée et violée par notre héros et sa bande au début du film
Ici, la mort, n'est pas montrée à l'écran: par exemple, juste avant d'être rattrapé par la justice, Alex tente de tuer une riche femme, surnommée "La femme aux chats" en l'assommant avec une statue de pénis en plâtre (charmant) néanmoins ni elle ni l'épouse de l'écrivain n'apparaissent mortes. Tout simplement parce que Kubrick n'a pas souhaité faire ressentir de la pitié pour elles, mais plutôt pour le parcours d'Alex DeLarge, à la fois protagoniste, anti héros et antagoniste qui réussit à avoir un look provocateur, dégueu et pourtant très classe !
Toutes ces scènes ou il subit à son tour prennent le spectateur à la gorge, et leur prouve que le véritable danger vient finalement des hommes contrôlés par le totalitarisme et certaines mauvaises décisions et envies humaines.
Tout le film fonctionne du début à la fin, ou presque, de la même manière : on ne nous montre pas tout pour maintenir ce que Kubrick cherche à prouver, et c'est sans doute pour ça que ce film est le meilleur de sa filmographie, bien qu'il ne soit visuellement pas le plus beau (on lui préférerait à ça 2001) : on ne voit finalement presque jamais de scènes violentes (mis à part au début du film), ce qui crée en nous un sentiment d'attente de quelque chose de terrible qui peut arriver à tout moment. Pour parler du personnage d'Alex, j'ai un sentiment d'attirance-répulsion avec cette Homme: répulsion, parce que c'est d'abord quand même un sacre p'tit con. Attirance, parce que j'aime l'évolution morale du personnage.
Monument du cinéma d'anticipation, mais aussi monument du cinéma tout court élevé au rang de film culte pour beaucoup, Orange mécanique est un de mes moments personnels d'admiration sans limites devant ce que permet de faire le cinéma. Je dois ça au casting dans son ensemble, bien sûr l'époustouflant Malcolm McDowell, mais aussi le reste du panier, non élevé aux rangs de spécialistes mais très bon quand même, particulièrement Patrick Magee, glaçant et malsain, Warren Clarke ou encore Michael Bates ! Je dois ça à la magnifique musique de Wendy Carlos, reprenant à merveille Rossini, Purcell et surtout Beethoven. Je dois ça à la VHS que possédait mon père, ce qui m'a permis de découvrir ce film en cachette alors que je n'y étais pas vraiment autorisé.
On aura beau relever si on est spectateur de Faux raccord quelques petites mais peu importantes incohérences, tout est parfaitement maîtrisé, dans ce grand classique de l'anticipation qu'est Orange mécanique, qui fut pendant longtemps le numéro 1 de mon top 10 films et celui qui aura véritablement lancé ma passion pour le cinéma, ou peut-être qui m'a rendu cinéphile tout court... Longue vie à ce long métrage indispensable !