C'est avec un sentiment ambivalent que je me suis rendu au cinéma pour voir Poor things de Yorgos Lanthimos. D'un côté, des retours critiques dithyrambiques louant la prestation d'Emma Stone et l'originalité du film, de l'autre, mon aversion pour le cinéma de Lanthimos que je ne connais pas bien, mais qui n'a jamais réussi à m'accrocher.
Durant le premier quart d'heure, je suis resté assez hermétique à la proposition. On est submergé par des idées esthétiques perturbantes et des créations visuelles loufoques, ce qui amène un peu une surdose et ne permet pas de s'intéresser à l'histoire mise en scène. Mes réserves avec Lanthimos semblaient se confirmer.
Le film prend un tournant lorsque le personnage d'Emma Stone quitte la maison de son père créateur. L'apparition des couleurs pastelles donne au film une nouvelle dimension. La réalisation garde son originalité avec un style "Steam punk - impressionniste" qui part parfois dans le kitsch, donnant une véritable âme au film, sans tomber dans un "to mutch" dans lequel il aurait facilement pu se perdre (J'ai beaucoup aimé la scène sur l'esclavage à Alexandrie qui est sans doute la plus proche de cet excès).
Concernant le récit d'émancipation, celui-ci est porté par une incroyable prestation d'Emma Stone. Elle compose un personnage drôle et crédible pour lequel elle n'avait pas de bases sur lesquelles s'accrocher. On croit à cette Frankenstein 2.0, et on apprécie suivre ses découvertes de la vie, de la philosophie, et surtout de son corps et sa sexualité.
Car c'est cette thématique qui domine le récit : l'émancipation sexuelle féminine. Si j'ai beaucoup aimé le traitement de cette thématique dans la première moitié du récit, offrant une vraie force au personnage de Bella, rendant l'arrogant personnage de Duncan complètement gaga (et parfois en surjeu), j'ai plus de réserves sur la seconde partie se déroulant à Paris. Dans ce segment, je trouve que Lanthimos tombe dans un voyeurisme malsain et rend son propos ambigu en validant la domination sexuelle imposée par les hommes. Je ne trouve pas que toutes les scènes de sexe soient inutiles, bien au contraire, mais certaines sont gratuites et contreproductives.
Ces réserves ne peuvent entacher le plaisir que j'ai pris devant ce film. C'est drôle, original, beau, ... Néanmoins, je ne recommanderais pas ce film à un publique non averti. Il faut être prêt à sortir de sa zone de confort et savoir qu'on s'apprête à voir un film avec pas mal de nudité. Si on est d'accord avec ces deux postulats, le film nous fera vivre une expérience hors du commun.